Elaine était impatiente, de connaître au plus près, les témoignages architecturaux, et historiques de cette croisade contre les albigeois. Elle préparait son séjour, en le centrant sur Montségur, et en collectant les renseignements sur les sources disponibles concernant l'hérésie au Moyen-âge, dans le Languedoc en particulier.
Lancelot, plus qu'intéressé, et d'autant plus motivé après les deux épisodes de '' la Caméra explore le temps'' sur les Cathares, trie sa documentation sur les alentours du mythe, en particulier quand il touche au Graal; et décide de l'accompagner malgré ses douleurs chroniques dans les jambes.
Elaine insiste pour prendre sa toute neuve 4L Renault qu'elle conduit, plutôt que la Traction, et ils choisissent l'hôtel avec une possibilité de camping, avec deux tentes canadiennes et tout le matériel de cuisine pour être autonomes.
Lancelot et Elaine passent par Toulouse, afin d'y rencontrer Sylvain Stym-Popper (1906-1969), architecte en chef des Monuments historiques, en charge de la supervision des fouilles et dans l'étude d'une restauration éventuelle... Il les prévient que les ruines actuelles, sont celles d'une place forte de la seigneurie de Mirepoix que Guy II de Lévis reçut en récompense, de Simon de Montfort, pour sa participation active à la croisade contre les albigeois. C'est à dire que la forteresse actuelle est postérieure à celle occupée par les cathares. Elle date des seigneurs français vainqueurs..! Un peu décevant....
Le château sera abandonné à la fin du XVIIe siècle, avant d'être classée monument historique en 1875, ainsi que le promontoire rocheux, nommé " pog " qui l'accueille.
L'architecte invite Elaine et Lancelot à rencontrer Michel Roquebert, qui dédicace son livre '' Citadelles du vertige '' , qui leur sera très utile pour une visite des forteresses assiégées, entre 1209 et 1240.
Michel Roquebert (1928-2020) est journaliste à La Dépêche du Midi, il est l'un des passionné de l'épopée cathare.
En 1961, dit-il " Je suis allé en reportage à Montségur, pour rendre compte de fouilles archéologiques dans l'ancien village. À l'époque, personne ne s'intéressait aux châteaux cathares. Je me souviens que j'avais demandé mon chemin à un paysan, " Qu'est-ce que tu veux faire là-haut, m'a-t-il demandé, il n'y a que des cailloux ! "
C'est la rencontre d'historiens tels que Jean Duvernoy et René Nelli qui l'ont sensibilisé à l'histoire du Pays d'Oc et à sa culture, tout particulièrement à la civilisation des troubadours et au grand drame occitan du XIIIe siècle : l'hérésie cathare, la croisade albigeoise, l'Inquisition. Il entreprend alors des études d'histoire médiévale et publie en 1966, avec le photographe Christian Soula, son premier ouvrage, Citadelles du vertige, sur les vestiges des châteaux forts du pays cathare.
Roquebert confirme: La forteresse que l'on voit aujourd'hui a, en effet, été édifiée après la reddition de la population hérétique en 1244. Auparavant il s'agissait d'un petit village fortifié accroché au rocher.
Une importante communauté hérétique ''cathare'', occupait le site à partir de 1232 avec une population ''laïque'', protégée par une garnison.
Le village était dominé par une maison '' maîtresse '' ( caput castri). La vie s'organisait autour des maisons, individuelles ou collectives, des parfaits et croyants. Un bâtiment commun remplissait plusieurs fonctions : le transit des quelques visiteurs, dans un premier temps avant d'être orientés chez un résidant, et des prêches collectifs s'y tenaient. On estime à environ 500 âmes la population blottie dans ce village à l'aube du grand siège de 1243-1244.
Très impatients, Elaine et Lancelot prennent la route pour Lavelanet.
Nous sommes en pays d'Olmes, à l'est du département de l'Ariège; à 120 km de Toulouse. C'est le territoire de la laine et de la filature, du tissage et de l'apprêt (opérations finales). Il est devenu le premier centre cardé français. Le cardé constitue une catégorie de textiles réalisés par le tissage de fibres courtes, imparfaitement démêlées, donnant au fil et à l'étoffe un aspect grossier. Il y a 102 entreprises en pays d'Olmes occupant 3 500 ouvriers et 500 artisans.
Ils se rendent à l'Hôtel du Parc de Lavelanet.
Venant de Lavelanet, le château de Montségur semble reculé et inaccessible, c'est qu'il culmine à 1208 mètres d'altitude!
En contrebas, un village sur les bords du Lasset. Une série de maisons à l'apparence très anciennes, certaines construites avec les pierres du château. Il y a des traces de moulins à grains le long du Lasset. Le village s'est vidé avec l'industrialisation de la vallée de Lavelanet.
A l'auberge, on leur indique la pente sud-ouest qui porte le chemin d'accès.
De la route, à 100 mètres sur le sentier, on trouve la stèle commémorant le bûcher du 16 mars 1244.
On la doit à Déodat Roché (1877-1978) et à la Société du Souvenir et des Etudes Cathares. On y distingue, d'un côté une croix discoïdale pattée, cerclée, en dessous plus la croix occitane avec ses 12 perles; sur l'autre côté qui veut ressembler à un cathare avec sa capuche, on une navette de métier à tisser, représentant l'activité des cathares.
Le long d'un petit sentier escarpé et rocailleux, il faut grimper encore 500 mètres, pour atteindre la forteresse.
" Montségur ! le rocher d'Ariège qui tend vers le ciel sa forteresse couleur de cendre, n'est peut-être pas le site le plus grandiose des guerres albigeoises ; mais c'est le plus captivant, celui où le visiteur se fait spontanément pèlerin. On inspecte les murs nus, la cour vide ; on reconstruit en imagination la voûte du donjon, le faîte crénelé des remparts ; mais devant une certaine archère par où, au matin du solstice d'été, passe le premier rayon du soleil levant, on fait plus que guetter un point de l'horizon ; on attend une de ces réponses que les mots ne pourront jamais formuler. (...) On cherche un château, on trouve un tombeau construit à la mesure d'une épopée... " Michel Roquebert (1966)