Moi-même, dans les années qui suivirent la résurgence du souvenir des cathares - étudiant à Clermont-Ferrand - je découvrais avec bonheur l'Auvergne médiévale, au travers de son architecture, ses paysages, ses villages; puis motivé sans-doute par le témoignage de cette résistance cathare sur fond religieux, avec cette part de mystère; je m'intéressais au mouvement Occitan et participais à quelques luttes, dont celle du Larzac.
Je continuais ma recherche spirituelle et l'orientais vers l'Orient. J'entrais dans le mouvement de la Méditation Transcendantale et y suivais cessions et formations...
Les Cathares devenaient pour moi, les porteurs martyrisés d'une spiritualité en rupture avec le dogmatisme catholique; sans craindre d'impossibles syncrétismes...!
Elaine, avec beaucoup plus d'esprit critique, tentait d'approfondir la ''réalité'' historique qui concerne les Cathares.
Je l'entends s'étonner que loin du Saint-Sépulcre à Jérusalem, après neuf croisades sur le sol de la Terre Sainte, entre 1095 et 1291, l'histoire médiévale relate une Croisade en territoire chrétien.
Martyre du Bienheureux Pierre de Castelnau, XVIIe siècle, Abbaye de Cerreto
Elle voit un rapprochement avec l'assassinat d'un prélat, Pierre de Castelnau, qui sera le prétexte pour lancer la croisade contre le Languedoc, puisque pour le pape, c'est bien le sang du Christ qui aurait coulé.
Sur le plan religieux, c'est l'époque de nombreuses et nouvelles expériences spirituelles spontanées, de nouvelles manières de lire la Bible, avec le risque de nouvelles hérésies, et la volonté des papes d'unifier et contrôler la société chrétienne.
Rome va multiplier les accusations d'hérésie en Occident, jusqu'à ce que Innocent III lance la croisade contre les Albigeois.
Elaine s'interroge sur la dénomination de ''cathare '', a t-elle réellement été utilisée pour nommer cette hérésie dans nos régions?
D'autres points, selon elle, mériteraient d'être approfondis, comme celui-ci: - Le ''catharisme'' peut-il être considéré comme une véritable religion?
Elaine est allée interroger Christine Thouzellier ( 1902-1982) alors directrice d'études à l'École pratique des hautes études (Ve section) à Paris. Elle y enseignait et menait ses recherches sur les hérésies médiévales, en particulier le catharisme. C'est une femme passionnée dans ses recherches, et autour d'elle chacun parlait de sa controverse avec d'autres auteurs, sur la manière dont les cathares percevaient le monde matériel et la nature de leur dualisme.
Par exemple, sur le ''nihil'' qui apparaît dans le texte de l'Evangile de Jean " Toutes choses ont été faites par Lui et sans Lui a été fait le nihil (le "rien") " (Jean, 1, 3); serait une référence que font les Cathares sur l'idée que le néant (nihil) est bien l'ensemble de ce qui vient du Mal. Le traité, '' Liber contra Manicheos ''de Durand de Huesca , qui date des années 1220, utilise le terme "nihil" pour désigner le monde matériel considéré comme mauvais et sans valeur.
Le "nihil" se réfère t-il à l'ensemble du monde matériel considéré comme mauvais et sans valeur ? Christine Thouzellier critique cette interprétation, à savoir que le terme ''nihil '' signifierait l'égalité entre deux dieux, celui du Bien et celui du Mal.
Revenons à l'Histoire.
Les chrétiens du sud, à commencer par les aristocrates, renâclent au mouvement d'institutionnalisation de l'Église qui passe par la réforme grégorienne imposant de nouvelles normes à partir du XIIe siècle. Cette réforme initiée par le pape Grégoire VII, visait à réformer l'Église et à renforcer son autorité et son influence en Europe. Plusieurs points étaient reconsidérés: - libérer l'Église de l'influence des laïcs, notamment des empereurs et des nobles. - combattre la vente des charges ecclésiastiques. - imposer le célibat pour les prêtres. - garantir une élection du pape sans influence politique extérieure.
Le Concile de 1179 avait fait appel à la force armée des seigneurs de la région contre les Cathares. Ces appels de l'Église sont restés lettre morte.
* Le légat pontifical Pierre de Castelnau est assassiné à Saint-Gilles en janvier 1208. Le pape Innocent III, élu en 1198, contraint de faire appel une armée étrangère, prêche alors la croisade dans toute l'Europe chrétienne, en particulier en France et dans les pays voisins. Une armée massive, principalement française, se met en route au printemps 1209.
Les mouvements albigeois reçoivent les appuis politiques du comte Raymond VI de Toulouse (excommunié par le pape), le vicomte de Foix et celui de Béziers, Raimond-Roger Trencavel.
Pendant neuf ans, Simon de Montfort va parcourir le pays. Il massacre, ravage et pille - même l'abbaye de Moissac.
Cette agitation du Languedoc ne peut qu'intéresser le roi de France ( Philippe II Auguste (1165-1223) ), puis Louis IX (1226-1270) qui soutint son frère Alphonse de Poitiers, pour pacifier la région et réprimer l'hérésie cathare.
Par le traité de Meaux, en 1229 , le roi de France a imposé au comte de Toulouse Raymond VII le mariage de sa fille unique avec son frère le comte Alphonse de Poitiers.
Après un siège de dix mois, les forces croisées ont réussi à prendre le château de Montségur, dernier bastion des cathares. Plus de 220 cathares qui ont refusé d'abjurer leur foi ont été livrés aux flammes sans procès ni sentence. La croisade des albigeois s'est conclue tragiquement le 16 mars 1244 avec le bûcher de Montségur.
Enfin en 1271 à la mort sans enfant du comte Alphonse de Poitiers et de son épouse Jeanne de Toulouse l'ensemble des territoires du Comté de Toulouse et de Poitiers furent rattachées directement à la couronne Royale de Paris.
Aujourd'hui, dans un climat de critique du régime gaulliste et de montée du régionalisme occitan, l'épopée cathare rencontre un grand intérêt.
Pourtant - relève Elaine - d'après les historiens, le mot ''cathare '' n'apparaît pas dans les documents de cette époque traitant du Languedoc. Sont utilisés "Bons hommes et bonnes femmes". Les hérétiques albigeois étaient chrétiens, ils ne composaient pas une Eglise constituée. Ce serait l'Eglise catholique, par l'inquisition, qui aurait créé le leurre d'une ''contre-Eglise''. Elle a réussi à renforcer son autorité religieuse, et permis au roi de France d'étendre son influence territoriale et contribué au renforcement d'un Etat.