<<Poésie d'un jour
[SESTINA FOR MARIE-CLAIRE ]
We met on those evenings at Louie’s backyard
To perch on the deck and drink our chardonnay
Looking out on thr burnished water at sunset
Both of us free and easy, come on bicycles –
I’d met you at Key West’s public library
Wearing - you saw – my grandmother’s fur coat.
We laughed, remembering that old fur coat
You thought me a bourgeoise in spite of my bicycle –
Nothing to drink there, not a drop of chardonnay
So – meet me, you said, at Louie’s soon at sunset.
The books we talked of would have filled a library
As the bar held all the world in its backyard.
You wrote as if the universe were your backyard,
The streets you rode at night, fast on your bicycle
Wearing denim, leather, never a proper coat,
Sitting in bars to sip your glass of chardonnay
Listening to strangers’tales, long after sunset
Finding the stories for your future library.
In your house that last afternoon, before sunset
You sat with sleepy cats in your own library
I came to you by trike, no longer bicycle
We didn’t drink, not one drop of chardonnay
But talked soberly of writing, the lifelong coat
About to drop from you, as dusk came to your backyard.
And I didn’t know itw as the last time, your life’s sunset
About to become night, your star to blaze in my backyard
As I raise a glass to you, a taste of chardonnay
And watch the moon rise, bright wheel of your bicycle,
The planets your celestial library
As I stand in the dark alone without a coat.
We miss you, friend, about town on your bicycle
Your voice low and plangent as the taste of chardonnay
Your presence for Saturday pizza in our backyard –
You who gave the world a new library
Who wore fame light as a thin leather coat
Who left on November’s last day, before sunset.
Alone in my backyard I pour a glass to you of French chardonnay
In my attic library your books fill my shelves, as
On your bicycle, you still go out waving, smiling, without a coat.
[SESTINA POUR MARIE-CLAIRE ]
Nous nous retrouvions ces soirs-là dans la cour de Louie
Pour nous installer en terrasse, boire notre chardonnay
Tout en regardant l’eau s’assombrir au soleil couchant
Toutes deux libres et décontractées, nous venions à vélo –
Je t’avais rencontrée à la bibliothèque de Key West
Alors que je portais – tu l’avais remarqué – le manteau de fourrure de ma grand-mère.
Nous avons ri, nous souvenant de ce vieux manteau
Tu m’as prise pour une bourgeoise malgré ma bicyclette –
Rien à boire là-bas, pas une goutte de chardonnay
Alors tu m’a dit, rejoins-moi vite chez Louie en fin de journée.
Les livres dont nous avons parlé auraient rempli une bibliothèque
Comme le bar contenait le monde entier dans son arrière-cour.
Tu écrivais comme si l’univers était ton jardin,
Les rues que tu parcourais la nuit, à toute vitesse sur ton vélo
Vêtue de jean, de cuir, jamais de vrai manteau,
T’asseyant dans les bars pour siroter ton verre de chardonnay
Écoutant les étrangers raconter des histoires, longtemps après le coucher du soleil
Découvrant des sujets pour ta future bibliothèque.
Dans ta maison, ce dernier après-midi, avant que le soleil ne se couche
Tu t’es assise dans ton bureau avec des chats endormis
Je suis venue te retrouver en triporteur, et non plus en bicyclette
Nous n’avons pas bu, pas une goutte de chardonnay
Mais nous avons parlé sobrement d’écriture, ce vêtement de toute une vie
Sur le point de tomber de tes épaules, alors que la nuit s’installait dans ton jardin.
Et je ne savais pas que c’était la dernière fois, le crépuscule de ta vie
Tout proche de devenir nuit, ton étoile pour incendier mon jardin
Alors que je lève mon verre vers toi, un goût de chardonnay
Et regarde la lune se lever, roue lumineuse de ta bicyclette,
Les planètes, ta bibliothèque céleste
Alors que je me tiens dans le noir, seule, sans manteau.
Tu nous manques, amie, en ville sur ton vélo
Ta voix grave et sonore comme le goût du chardonnay
Ta présence dans notre jardin pour la pizza du samedi –
Toi qui as donné au monde une nouvelle bibliothèque
Qui portais la célébrité légère comme un fin manteau de cuir
Qui es partie le denier jour de novembre, avant le coucher du soleil.
Seule dans mon jardin, je te verse un verre de chardonnay français
Dans ma bibliothèque au grenier, tes livres remplissent mes étagères, alors que
Sur ton vélo, tu continues à rouler en saluant, souriante, sans manteau.
Rosalind Brackenbury, Choix de poèmes, Traduit de l’américain par Geneviève Liautard in Les Carnets d’Eucharis, 2024, pp.129, 130, 131.
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ROSALIND BRACKENBURY
Image G.AdC
■ Rosalind Brackenbury
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