Je m’étais trompée, ce n’était pas lui. En fait je le savais et pourtant, comme chaque fois, j’espérais…
Dans ce jardin de Vérone, couchée dans l’herbe et endormie, sa présence à mes côtés avait été le début d’une aventure folle et irréelle. J’avais toujours espéré vivre une histoire intense et passionnée mais jamais je n’aurais espéré la vivre avec Roméo. Il avait surgi de nulle part après ma visite à son tombeau, avait murmuré qu’il m’attendait depuis des siècles et que mon amour l’avait ressuscité après tant d’années vides et mortes. Il m’avait suivie à mon retour, s’installant chez moi et dans ma vie en transformant mon univers. Personne ne savait ce que nous vivions et cela m’était égal du moment qu’il venait à moi, régulièrement, tous les soirs, afin que je puisse dormir dans ses bras. Au réveil, la bouche encore pleine de ses baisers et le corps marqué par nos étreintes, j’avais de la peine à reprendre pied et à retourner dans une vie qui ne collait plus avec ma réalité. Je ne voyais plus mes amis, je ne téléphonais plus à mes parents, mes collègues disaient de moi que je devenais asociale, que je ne tournais pas rond mais je m’en fichais. Que pouvaient m’apporter leurs sorties en boites alors que mon amour n’attendait que mon retour pour reprendre possession de mon corps et de mon âme ? Comment leur expliquer que leurs bavardages et leurs petites histoires ne m’intéressaient pas parce que ce que je vivais, personne d’autre ne pouvait le vivre ? Ma vie était devenue si exceptionnelle que je ne mangeais plus, je ne faisais plus mes courses ni mon ménage, choses bassement primaires dont je n’avais plus envie. Le seul but qui régissait mon existence consistait à trouver le sommeil pour qu’il vienne enfin à moi, me permettant ainsi de me fondre en lui.
Notre aventure a pris fin par mon internement. Pour mon bien ont dit mes parents avertis par des collègues compatissants. Les pilules et les calmants m’ont enlevée à lui, il n’est plus revenu et j’ai pleuré toutes les larmes possibles. Mon corps a perdu ses marques, ma peau a progressivement oublié la chaleur de ses mains et ma bouche a perdu le goût de ses baisers. Au bout de plusieurs semaines, j’étais redevenue comme avant, c'est-à-dire, froide, sèche, rugueuse, sans goût et sans émotions ni sensations. Le soleil qui inondait ma vie s’était éteint !
Après tant de semaines, on m’a dit « guérie », mais peut-on guérir de l’amour de Roméo ? Depuis ma sortie, sans rien dire à personne, je le cherche et crois parfois l’apercevoir. Déçue jusqu’à maintenant, je ne baisse pourtant pas les bras et persiste car je sais tout au fond de moi qu’un jour, il reviendra…