Magazine Journal intime

Elle.

Publié le 02 septembre 2008 par Mélina Loupia
Hier soir, tard, très tard, après qu'enfin, les vieux soucis bien moisis m'ont lâché la grappe, je me suis mise en boule sous les draps du lit et ai allumé la télé, invariablement programmée sur la mosaïque de Canalsat. En version originale sous-titrée, le premier épisode de Desperate Houswives saison 4 sur Canal+. N'y étant pas abonnée pour des raisons bassement économiques, je zappe direct sur France5 et mon doigt rippe en appuyant copieusement sur le chiffre de gauche. Et qu'elle n'est pas ma surprise de constater que j'avais un sursis. Avant de percuter qu'on est début septembre et que chaque nouveau mois, la chaîne cryptée lance la ligne bien loin pour attirer de nouveaux abonnés tous frais en diffusant ses meilleurs programmes. Puisque je me vois servie sur un plateau une de mes séries préférées que j'avais laissée en cours de route en plein milieu de la saison 3, je mets un petit moment à reprendre le train. Ainsi, j'apprends plein de trucs croustillant, comme quoi les couples de l'allée bien propre et gaie se mélangent, se forment, se trompent et se reforment, que des grossesses cachées, toutes neuves ou feintes font partie du décor en carton et que la maladie resserre les liens d'une amitié sacrée entre voisines mais couve aussi une nouvelle vague de secrets. Super cocktail, encore une saison qui promet de nous faire baver, rêver et rire à gorge déployée pour celles et ceux qui ont la chance d'en posséder une. Mais hier soir, le rire s'est fait plus jaune que d'habitude. Car un nouveau personnage a fait son apparition dans la série, ce dont je n'étais pas au courant. Un petit crustacé dont les survivants de l'île de Koh Lanta sont friands lorsqu'une marée copieuse vient les échouer sur la palge de sable blanc. Un vilain être vivant avec une carapace ne renfermant qu'une superficie de chair infime, mais au demeurant délicieuse et prisée de certains gastronomes. On est en droit de se demander comment un crabe a pu passer les castings et décrocher un rôle presque principal dans cette série, même lorsqu'on sait que l'Amérique nous surprendra toujours en ayant donné la vedette à une éponge, quand bien même cette dernière est douée de la parole. Soit. La raison est simple, le crabe s'est déguisé et s'est infiltré dans la poitrine d'une des Desperate Housewives. Pour le moment, la cohabitation est polie, chacun rendant coup pour coup à l'autre, entre nausées, chimio et soutien des copines. Je n'ai eu droit qu'aux trois premiers épisodes et j'ose espérer que cette saloperie de crabe rejoindra soit l'océan, soit la marmite d'un restau chic, même si je ne suis pas arrivé aux frontières de la lucidité et ai parfaitement inclu le fait qu'il ne s'agit là que de pure fiction. D'ailleurs,on raconte que c'est un cancer en plastique. Pour autant, hier, la fiction a rejoint un instant ma réalité. On dit parfois que dans la vie, certaines circonstances relèvent de la coïncidence la plus inouie, j'en ai fait les frais cet été. Et une nouvelle fois hier. Hier matin, après avoir passé une matinée à charger ma semaine d'un marasme épais et dense, j'apprends avant midi que le cancer a une nouvelle fois fait douter de ma confiance en l'avancée de la recherche scientifique. Dimanche, le cancer a lancé un nouvel assaut. Dimanche, elle a vaillamment combattu, au terme d'une rémission qui s'annonçait si bien. Dimanche, elle a livré sa dernière bataille. Dimanche, elle a perdu la guerre. Je l'avais connue derrière un tapis de caisse, là où j'ai fait mes premières armes. C'est elle qui m'a tenu la main ce premier matin, attentive, pédagogue, elle, celle autour de laquelle le magasin avait vu le jour. Elle qui a égayé le bureau d'accueil. L'enfant du pays que tout le monde appelait par son prénom, la petite-fille rêvée de tous les clients d'âge d'or. La maladie, elle l'avait assumée et portée à bout de bras, chaque matin en venant travailler malgré tout, armée d'une arme de destruction massive, son sourire et son optimisme. C'est comme ça que je l'ai connue et vue pendant deux ans. Certes, je n'ai pas vécu les pires moments, ni le début, ni la fin. D'elle, je n'ai connu que le meilleur, le répit. Alors j'ai de la chance ce matin, de pouvoir penser à elle telle que dans mon souvenir, la peine paraît peut-être plus douce. Mais j'aimerais bien que ce soit un nouvel épisode de Desperate Housewives.

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