Le Mythe Cathare

Publié le 19 décembre 2024 par Perceval

Lancelot plaide pour l'intérêt du mythe, de sa construction, de ce qu'il peut signifier. Il reprend depuis peu l'expression de l'anthropologue Maurice Godelier (1934 - ): le mythe serait " la part idéelle du réel ", en ce que le mythe ( mieux même que l'idéologie qu'étudie Godelier) n'est pas simplement un reflet de la réalité, mais qu'il joue un rôle actif dans la création et la transformation de ce même réel....

Nous avons chez nous un livre '' Les Mystères de la chevalerie et de l'amour platonique au moyen âge '' ( édition 1858 ) dans lequel Eugène Aroux (1795-1859) évoque les cathares, dont Dante " était l'un des éminents pasteurs de l'église proscrite. " écrit-il.

E. Aroux commence son ouvrage par un conte, comme une allégorie, l'histoire d'un couple de pauvres vertueux, que le roi récompensa par des biens, et le titre de Prince pour l'homme, qui " enorgueilli par la haute position où il se voyait parvenu, ne songea qu'à accroître ses richesses et à s'élever davantage. En vain, l'épouse chercha à le ramener à de meilleurs sentiments... ": " On aura facilement reconnu l'histoire sous la fiction. Il n'est guère besoin d'ajouter que les deux époux sont l'Eglise et le pape; que l'opposition redoutable contre laquelle ils furent réduits à sévir, fit l'hérésie albigeoise écrasée par les croisés de Montfort... "

Il analyse ainsi divers romans anciens. Il choisit un texte provençal '' Jauffre et Brunissens'', Un roman dédié à Pierre II tué en 1213, à la bataille de Muret, en combattant pour les Albigeois. Roman à grande notoriété: " le chroniqueur Muntaner le citant de manière à faire supposer qu'on le mettait de son temps au même rang que Lancelot du Lac, et le fameux templier Wolfram d'Eschenbach nommant deux ou trois fois Joffroi ( Jauffre ) parmi les champions de la cour d'Artus. ". La cour du Roi Arthur est composée d'albigeois. La femme du meunier, à qui Artus prête secours, " représente la plèbe vaudoise, la classe des vilains, des travailleurs, dont l'Église catholique, la grande prostituée, la bête de l'Apocalypse aux sept cornes, dévore le pain, sans se soucier de ses pleurs, pas plus que des menaces de ceux à qui il prend fantaisie de lui venir en aide. "

L'auteur analyse ainsi d'autres oeuvres, comme '' le Roman de Ferbrace'', ''Aucassin et Nicolette'', ''Tristan de Léonnois''

L'amour courtois représente, l'union " de la communauté albigeoise avec le Parfait chevalier, avec le chevalier céleste, comme s'appelaient les dévots chevaliers du Saint-Graal. Le consolement, qu'il lui apportait dans le baiser de paix, devenait le sceau d'une union toute spirituelle, ne produisant que pures et chastes jouissances, conduisant par la foi et par la pratique de toutes les vertus au salut éternel. ". Ces pieux et chastes Bonshommes, en troubadours, chantres de l'amour courtois sont aussi avec les templiers, l'un des maillons qui conduisent à la franc-maçonnerie. Les cathares seraient des initiés qui ayant hérité des anciens mystères d'Égypte par l'intermédiaire des gnostiques conservèrent en grand secret le saint Graal. Ils le remirent aux templiers qui s'en emparèrent avant de fuir en Aragon, puis en Écosse où ils fondèrent la franc-maçonnerie.

Napoléon Peyrat

Napoléon Peyrat (1809-1881), méridional, pasteur protestant, serait l'inventeur du mythe cathare en lien avec Montségur. Dans son Histoire des Albigeois, il avance trois propositions devenues légendes: l'idée du ''château sanctuaire'', l'existence de souterrains servant de caches aux cathares, et celle d'un prodigieux trésor. La légende va se répandre dans les cénacles ésotériques parisiens du début du siècle. Il crée l'image romantique et héroïque d'Esclarmonde de Foix; il en fait une diaconesse cathare, fondatrice et protectrice de la citadelle de Montségur où elle reposerait toujours dans une vaste crypte creusée au sein du " pog ". Son personnage évolue aux frontières du réel et du surnaturel; lors de son trépas, son âme aurait pris la forme d'une colombe.

Elaine fait remarquer à juste titre qu'il faut distinguer: - Esclarmonde de Foix ( ~1151 - 1215), femme cathare et surnommée la grande Esclarmonde. Elle aurait reconstruit le château de Montségur ( avant la croisade); et - Esclarmonde de Péreille (1224 -1244) morte le 16 mars 1244, sur le bûcher de Montségur en tant que femme cathare. Elle est la fille de Raymond de Péreille, seigneur de Montségur.

Lancelot relève que Napoléon Peyrat, était un républicain, il considérait que la civilisation romane trouvait dans la démocratie du XIXe siècle son épanouissement, après un hiatus chronologique de sept siècles. Il a écrit: " Je vais donc montrer à ma grande patrie française l'agonie de ma douce et noble patrie romane, et à la puissante démocratie moderne le supplice de la chevalerie consulaire et plébéienne du XIIIe siècle. La France nouvelle doit un soupir à ces grands citoyens, à ces magnanimes tribuns, à ces chevaliers de la justice et de la liberté, à ces paladins de l'esprit, de l'amour et de l'idéal divin "

En 1888, Jules Doinel (1842-1902) a une vision de l'"éon Jésus" qui le charge de fonder une nouvelle église. Cet événement marque un tournant dans sa vie et le conduit à créer l'Église gnostique de France (1890) et s'affuble du titre de "Patriarche de Montségur". Il promeut la gnose authentique, en se disant en liens par spiritisme avec des esprits cathares. En 1895, Doinel est exclu de sa loge maçonnique pour ses pratiques occultistes et mystiques.

Déodat Roché

Déodat Roché (1877-1978) disciple de Doinel dont il s'écarte ensuite, est martiniste, spirite, théosophe, franc-maçon à la loge ''Les vrais amis réunis'' de Carcassonne.

Après une licence de philosophie, il devient avocat, puis magistrat. Il est radié de la Magistrature par le gouvernement de Vichy en 1941.

Dans les années 20, il découvre l'anthroposophie et rencontre Rudolf Steiner. Il fonde, en 1950, la " Société du souvenir et d'études cathares " et la revue des cahiers d'Etudes Cathares. Il publie de nombreux articles et livres sur le catharisme, explorant divers aspects de cette doctrine, y compris ses origines, ses doctrines et son impact sur la société médiévale mettant en lumière les aspects philosophiques et mystiques de cette tradition. Roché collabore avec de nombreux autres chercheurs et érudits, tels que José Dupré (1936-2021), pour enrichir les études sur le catharisme.

Anne-Laure de Sallembier, la mère de Lancelot, avait été marquée par sa rencontre avec Judith Gautier (1845-1917), la fille de Théophile, avec les amis du '' Mercure de France'', elle put échanger sur ses recherches autour du Graal, avec de nombreux wagnériens, et croisa des personnalités comme Joséphin de Péladan, Huysmans, l'abbé Mugnier...

Joséphin Péladan (1858-1918), qui affirme rester catholique, se réunit tous les jeudis soirs, avenue Trudaine chez Stanislas de Guaïta, avec les ''gnostiques''. ( La vie mondaine -3- Judith Gautier - L'occultisme - Les légendes du Graal )

Joséphin Péladan a fondé en 1891 l'Ordre de la Rose-Croix Catholique du Temple et du Graal. A l'opposé des républicains, Péladan, s'inspire du catharisme en se donnant pour mission de " désintoxiquer la France de son matérialisme ".

Il n'échappe pas, à cet admirateur de Wagner, que le livret de l'opéra '' Parsifal'' ( inspiré de l'épopée médiévale Parzival de Wolfram von Eschenbach ) commence par cette phrase : " Dans le ciel se trouve un château et son nom est Montsalvat. ". Péladan, en déduit que " La fiction et l'histoire, en ce sujet, se répondent avec un parallélisme singulier : l'ordre du Temple ne réalise-t-il pas l'ordre du Graal, et Montsalvat n'a-t-il pas un nom réel, Montségur ? " extrait d'un opuscule intitulé " Le secret des troubadours, de Parsifal à Don Quichotte " ( 1906)