Par une nuit glaciale, alors que l'astre solaire s'éteint lentement pour disparaître sous l'horizon, le solstice d'hiver annonce bien plus que la victoire des ténèbres sur la lumière. Cette nuit, la plus longue de l'année, ne se limite pas à un simple événement astronomique : elle dissimule des vérités anciennes et redoutables. Depuis des âges immémoriaux, le solstice marque l'ouverture des passages vers d'étranges royaumes au-delà de la perception humaine. Ces portails, surnommés les Portes du Solstice dans certains cercles occultes, sont autant de seuils vers l'inconnu-et le danger.
J'écris ces mots non pour convaincre les sceptiques, mais pour avertir les audacieux. Les recherches que j'ai entreprises m'ont mené sur des chemins tortueux et dans des abîmes d'inconnaissance. Ce que j'ai découvert sur ces portails-et que j'aurais préféré ignorer-risque de bouleverser notre perception de la réalité et de briser l'esprit de ceux qui cherchent à comprendre.
Un mystérieux alignement des astres
Dans les recoins oubliés des archives de la bibliothèque de Miskatonic, j'ai découvert un manuscrit en latin tremblant, attribué à l'occultiste médiéval Erasmus de Rijnskerk. Cet auteur mystérieux référait à un alignement stellaire unique qui n'apparaît que lors du solstice d'hiver. Selon ses écrits, cette nuit spéciale voit l'alignement de plusieurs sphères éthérées, ouvrant des passages dissimulés entre notre monde et des dimensions insaisissables.
De Rijnskerk mentionnait des portails situés à des points précis de la Terre-lieux sacrés où des civilisations anciennes auraient érigé des monuments pour marquer ces carrefours de pouvoir. Parmi eux, il évoquait Stonehenge, les pyramides de Gizeh, et des formations rocheuses plus modestes en Nouvelle-Angleterre, qui seraient autant de seuils vers l'inconnu. Ces structures, selon lui, sont les vestiges d'une époque où des êtres inhumains foulaient notre monde.
D'après ce manuscrit, les portails peuvent être activés par des rituels anciens associés à des configurations astrales précises. Mais de Rijnskerk prévenait également que ce qui se cache derrière ces seuils est aussi fascinant que mortel, et que rares sont ceux qui reviennent indemnes d'une telle exploration.
Une rencontre inquiétante au Cercle Noir
L'été dernier, armé d'une curiosité à la fois noble et imprudente, je décidai d'étudier un de ces sites près du hameau reculé de Kingsford. Niché entre des collines boisées et des marais perpétuellement embrumés, ce lieu semble figé hors du temps. Ses rares habitants murmurent des légendes sombres à propos de formations rocheuses surnommées le Cercle Noir. On raconte que lors du solstice d'hiver, une lueur verte danse autour de ces pierres brisées, animée par une force mystérieuse.
La nuit du solstice, j'érigeais ma tente à proximité, emportant mon carnet et un appareil photographique rudimentaire. Quand le silence oppressant s'abattit sur les lieux à minuit précis, un vent glacial surgit brusquement. Puis, je vis apparaître cette fameuse lueur verdâtre, qui enveloppa les pierres d'une aura surnaturelle. Mon souffle devint court alors que je fixais ce spectacle hypnotisant.
Soudain, une silhouette émergea de la lumière-indistincte, mais terriblement imposante. Elle semblait à la fois infiniment lointaine et oppressivement proche, comme si l'espace se contorsionnait autour d'elle. Puis une voix froide et cosmique envahit mon esprit. Bien que je ne compris pas ses mots, leur intonation évoquait une puissance infinie, si éloignée de l'humanité qu'elle me parut presque blasphématoire.
Tout disparut aussi soudainement qu'il était apparu. La lueur s'évanouit, le vent cessa, et les pierres redevinrent inertes. Pourtant, quelque chose en moi était irrévocablement changé.
Les rêves et leurs marques indélébiles
Depuis cette nuit terrible, je suis assailli de rêves d'une intensité insoutenable. Ils m'entraînent dans des paysages impossibles-des cités titanesques aux proportions folles, édifiées par des mains non humaines. Les visions de ces créatures indicibles semblent dépasser la temporalité et précéder toute vie terrestre connue. Ces cauchemars s'accompagnent d'un étrange sentiment de déjà-vu, comme si une partie oubliée de mon être avait déjà exploré ces contrées interdéfinies.
Les Portes du Solstice ne sont pas qu'un mythe. Leur influence s'étend bien au-delà de leur ouverture et laisse des traces indélébiles sur ceux qui osent s'en approcher. Je vous en conjure, chers lecteurs : si les longues nuits décembre vous tentent d'explorer des lieux oubliés, souvenez-vous que certaines portes, une fois franchies, ne permettent pas toujours de revenir intact.
Howard Phillips Lovecraft (1890-1937), est un écrivain américain connu pour ses récits fantastiques, d'horreur et de science-fiction (Weird Fiction). Ses sources d'inspiration, tout comme ses créations, se réfèrent à la notion d'horreur cosmique, selon laquelle l'être humain est insignifiant à l'échelle du cosmos qui lui est profondément étranger. Ceux qui raisonnent véritablement, comme ses protagonistes, mettent toujours en péril leur santé mentale. Les héros de Lovecraft éprouvent en général des sentiments qui sont à l'opposé de la gnose et du mysticisme au moment où, involontairement, ils ont un aperçu de l'horreur en guise de réalité.