Cher Monsieur
Ainsi vous voici pris à votre propre piège, tel une aleurode dans les filets de mon estivale camarade… Il faut dire que l’agressivité est difficile à manier, tandis que l’humour - oserai-je dire “l’esprit” - conduit plus sûrement à l’autodérision et sert de rampart fidèle à toute inflation de l’ego.
Si je suis fascinée par la construction d’un portrait, je le suis encore plus par la perception que vous avez eu de ma personne à travers ce blog, qui n’est autre, d’ailleurs, qu’une forme complexe d’outil pour la construction d’un portrait.
J’ai une première remarque qui s’attache à ce que vous avez perçu de ma profession. Journaliste, oui, je n’en fais nullement mystère. Le Monde ? J’aimerais bien, mais hélas… En revanche, pour quelle raison pensez-vous qu’il puisse être honteux d’être pigiste ? Etonnant, non ?
Vous trouvez mes nécrologies surabondantes : vous n’êtes pas le seul, comme je l’ai écrit il y a quelques semaines. Cela dit, pourquoi voudriez-vous que je me fasse passer pour proche de quelqu’un qui ne pourra démentir ? Etrange, non ? N’auriez-vous pas manqué un élément essentiel de ces portraits : le fait, justement, que le lien me reliant à eux est extrêmement ténu, voire inexistant ? Je n’ai jamais rencontré madame Chang Kaï Chek, elle m’est totalement étrangère. Je n’ai eu de contact avec Serge Reggiani que par le biais de ses chansons, tout comme avec Ivan Rebroff ou même Régine Crespin. Je pourrais multiplier les exemples, mais c’est inutile, vous m’avez comprise et ,dans ce cas, vous avez compris pourquoi je mets tant de temps à parler de notre ami commun…
Je n’ai fréquenté aucune école de journalisme, j’ignore donc de quelle langue de bois vous parlez. En revanche, je sais que la concordance des temps, en langue française, aurait dû vous contraindre à employer un passé composé et non un passé simple avec “sont-ils enseignés”. J’en conclus que, si nous fréquentâmes la même personne autrefois, elle ne nous a pas laissé le même sens de l’humour ni de la syntaxe. Et vous voici autorisé à me répondre : “encore eût-il fallu que je le susse” !
Vous aimeriez certainement que j’entre dans votre moule, que je sois conforme à la vision fugace que vous avez eu de la blogosphère en général et de ce blog en particulier. Ainsi pourriez-vous animer vos conversations dans les dîners en ville. Rien ne vaut un bon vieux lieu commun développé à l’envi. Je vous décevrai donc : nulle rentrée des classes en perspective, point de RSA (?) ni même de Soeur Emmanuelle. Mais tranquilisez-vous, votre effronterie de 45 ans n’est pas plus grave que votre impatience face au modérateur automatique de commentaires. Vous avez désormais quelques propos supplémentaires à ranger dans la boîte à clichés, à côté de la censure à Pékin et des étendues désertiques, celles qui fonctionnent avec “sermon dans le désert” et non avec “vide intellectuel”, tellement moins drôle.