3 - Mauvais genre

Publié le 03 septembre 2008 par Oreste75
Au bout de plusieurs gorgée, je sens l'effet de l'alcool qui commence à me donner la confiance, le courage et surtout la lérgèreté qu'il me fallait. Hélène continue à me remonter le moral afin de me redonner confiance car dans quelques minutes tout va se jouer pour moi... C'est le moment du concours qui est un des plus important puisque, la scène que je vais présenter sera la dernière impression qu'aura le jury avant de procéder aux votes pour les éliminations.
Quelques minutes plus tard, Audrey frappe à la porte :
- Bon alors ? Qu'est-ce que vous faites ? Ca va être bientôt à nous !
- On arrive !
Je regarde Hélène une dernière fois. Les yeux un peu brillants.
- Je crois que je suis un peu bourré, Hélène...
- Tant mieux, de toute façon la bonne femme que tu joues, est alcoolique, alors...
- Ouais, enfin...
- On y va ?
- Oui, je range mes affaires...
- Je t'attends avec Audrey, dans le hall...
- D'accord...
Hélène sort rejoindre Audrey. Je termine de ranger les quelques affaires et entreprend de sortir de ma mini-loge improvisée... Lorsque j'ouvre la porte, quelque chose que j'avais complètement oublié me revient en tête. J'avais omis juste le petit détail que cette mini-loge improvisée se  trouvait  dans les toilettes pour hommes et que forcément, mon accoutrement ne passera pas innaperçue. Lorsque je sors, affublé de mes faux seins, ma robe moulante rouge et mes talons aiguilles, je croise le regard de plusieurs autres candidats, qui eux aussi sont là pour se préparer. Certains sont habillés d'une chemise et d'une  veste noire, un autre, torse nu avec un pantalon blanc en lin, (pensant certainement charmer les dames du jury en exposant ses attributs musculeux et virils), et un autre en treillis, avec sur le visage des peinture de camouflage militaire.
A mon passage, je ne peux pas ne pas entendre leurs ricanements. Changer de genre, ne passe jamais sans une ou deux réflexions bien pimentées, même dans le milieu du specatcle.
Paré d'une dignité incontestable, je tente de ne pas riposter et fait semblant de ne pas avoir entendu ces rires narquois provoqués mon apparence.
Alors que je me trouve sur le seuil de la sortie, j'entend une petite réplique qui se veut très efficace, à mon égard... Le jeune Apollon, torse nu, dit à ses gentils camarades afin de les faire rire et de me ridiculiser :
- Euh dis donc ! J'savais pas qu'le fils à Michou passait l'concours lui aussi ?!  Y doit nous préparer une belle scène de littérature comtemporaine, nan ?!
Je reste immobile un quart de seconde, et sans doute, grâce aux petites gorgées de cognac, mon esprit éveillé n'a fait qu'un tour. Je me retourne et le regarde droit dans les yeux.
- Note, pour ta gouverne, puisque tu as l'air d'être un grand amateur de littérature contemporaine, que l'on dit : "Le fils DE Michou", "Le fils à Michou"  n'étant pas très français... Cela risque de faire désordre si tu dis cela devant le jury, tout à l'heure, surtout pour un concours aussi exigeant que celui-là.
Un minuscule silence plane alors dans les toilettes pour hommes. Le bel Apollon a l'air embarrassé, ne sachant quoi répondre à cette petite correction orthographique impromptue mais savoureuse. Avant de continuer mon chemin, équipé de mon grand sourire accueillant et commercial, je lâche le traditionnel :
- Et... Merde à tous !
(L'expression "Merde" dans le jargon théâtral signifie "Bonne chance". Dire "Bonne chance" étant possiblement un signe de mauvaise augure, il est donc de coutûme, avant une prestation devant le public (tout comme l'expression "Casse-toi une jambe !") de dire "Merde" à ses compatriotes.))
Je sors des toilettes, le regard droit devant, la tête haute, fier d'avoir répliqué à leurs sarcasmes, titubant un peu à cause de mon état de petite ébriété, prêt à affronter le jury du concours de l'AFFPAD.
Lorsque j'arrive dans le hall, je dois dire que cela a fait son petit effet. Tous les regards se retournent sur mon passage. Certains sont estomaqués par cette proposition culottée; d'autres sont très amusés, car un homme  habillé en femme amuse toujours; et quelque-uns sont impressionnés, parce qu'il est vrai, je dois le dire, que ma transformation est assez bien réussie.
Je retrouve donc mes deux copines de concours.
- Bon et bien voilà... Je suis prêt.
Audrey me regarde avec deux yeux brillants, ouverts en grand :
- Oh...! Oreste tu es sublime ! On dirait une femme. C'est hallucinant !
- Eh bien merci... Tu sais c'est un peu le but puisque je suis censé jouer une femme....
- Ouais, mais avec le maquillage, c'est génial. C'est vraiment troublant... !
A ce moment, une fille que je ne connais pas et qui doit certainement donner la réplique à un autre candidat, s'approche de moi  :
- Excuse-moi... Tu passes le concours ?
- Euh... oui.
Elle me regarde, effectuant un scanner détaillé de mon corps perché sur ces deux talons aiguilles qui commencent à me laminer les pieds. Je la regarde aussi, légèrement inquiet, essayant de comprendre ce qu'elle me veut ou ce qu'elle va me sortir.  Puis elle fini par me dire :
- Je voulais juste te dire que je suis dégoûtée. T'as des jambes sublimes, c'est dégeulasse...
Elle fini sa phrase par un clin d'oeil et un petit sourire en coin, complice. Je la remercie, un peu flatté et très gêné, en lui rendant ce même sourire complice.
Hélène nous rejoint, l'air assuré, concrète et déterminé...
- Bon, "les filles",  je crois que c'est à nous...!
Aussitôt, la voix de l'appariteur appel dans le hall :
- Monsieur Oreste A. !
Nous nous regardons tous les trois, on se chuchote, chacun notre tour le fameux "Merde" et nous nous dirigeons vers l'entrée du théâtre dans un magnique concert de talons qui résonnent, derrière nous...
Avant de pénétrer dans le sas qui va nous mener en coulisse pour accéder au plateau, je glisse discrètement à Hélène :
- J'ai la tête qui tourne...
(A suivre.)