La dernière note de conjoncture du Centre supérieur du notariat de fin octobre 2024 indique que le volume annuel de transactions sur les logements anciens pourrait tomber à seulement 700.000 transactions en 2024. Un creux jamais atteint depuis 2015, en chute totale par rapport aux 1.200.000 transactions réalisées en avril 2021, en sortie de pandémie Covid-19. La Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) indique, pour sa part, que les faillites et les plans de licenciements se poursuivent dans la promotion immobilière, avec 154 défaillances d’entreprises au deuxième trimestre, puis 74 au troisième trimestre 2024.
Nous vivons donc une très forte crise de l’investissement immobilier en France. Rappelons, à ce titre, que la statistique publique sépare, dans son analyse de l’activité logement, la dépense courante (loyers, charges et énergie) et la composante investissement qui suit historiquement une évolution cyclique.
La forte baisse de l’activité immobilière (logements neufs + transactions dans l’ancien + travaux) a ainsi subi une très forte baisse en 2023 (-16 %), selon le dernier compte du logement publié (2023), mais ce n’est pas la première fois. Des baisses ont été constatées dans les années 1990 (décennie noire pour l’immobilier), au moment de la crise financière post-Lehman (2008-2009), lors des années 2012-2014 et, enfin, en 2020, année du confinement Covid.
Une baisse de l’investissement mais pas un krach
La baisse massive des transactions dans l’ancien s’accompagne d’une baisse de la construction neuve de l’ordre de 25 % sur la période 2022-2024. On note, toutefois, que cet effondrement de l’activité ne s’accompagne pas d’une forte baisse des prix : le Centre supérieur du notariat évalue la baisse de prix des logements anciens à 5 % sur un an, tandis que les prix du neuf stagnent. Comme on caractérise habituellement un krach immobilier par une diminution brutale et rapide des prix de l’immobilier, la configuration actuelle est certes marquée par une baisse brutale de l’investissement, mais ne constitue pas un krach. Comment expliquer la situation actuelle ?
Le premier facteur tient à l’interruption brutale, en 2022, d’une décennie de taux d’intérêt très bas, configuration de taux qui avait solvabilisé de nombreux ménages et poussé les prix à la hausse. Les taux ont triplé en un an (de mi-2022 à mi-2023), passant de 1,5 % à 4,5 % et sortant du marché de nombreux ménages. Il y a eu un reflux partiel depuis (3,4 % aujourd’hui) avec des taux de crédit comparables à ceux de 2010.
Autre choc majeur, celui du coût des matières premières à partir de 2022, avec des augmentations de coûts jusqu’à 25 % pour certains projets neufs. Cet effet ciseau a contracté ainsi les ventes dans le neuf jusqu’à 40 % ! La profession immobilière s’est ajustée par la réduction de sa capacité de production (effectifs, nouveaux projets), conduisant de nombreux acteurs à faire des plans sociaux et acculant les plus fragiles à la défaillance ou à la faillite.
Perspectives d’améliorations incertaines
Cette contraction de l’offre a eu, enfin, comme conséquence une réduction du marché locatif, tel que le note, par exemple, le réseau d’agence Guy Hoquet dans une étude récente : baisse de 5 % des logements proposés à la location sur un an, alors que la demande ne fléchit pas, avec une pénurie particulière pour les biens loués vides (60 % de l’offre locative totale) du fait de l’attrait des bailleurs pour la location en meublé.
Que va-t-il se passer, maintenant ? « La prévision est un art difficile, surtout en ce qui concerne l’avenir. » Des facteurs de sortie de la baisse cyclique apparaissent, avec la baisse de l’inflation (sous les 2 %) et des taux d’intérêt (mais sans aucune perspective de retour au niveau de la décennie précédente). La dernière note conjoncturelle des notaires laisse percevoir un certain optimisme, mais la FPI reste plus circonspecte : « La fin d’année 2024 s’annonce plus favorable qu’elle n’avait commencé, mais les perspectives d’une amélioration notable restent incertaines. »
La crise cyclique ne l’investissement ne doit, toutefois, pas faire oublier les composantes structurelles de la crise du logement. L’urbaniste américain Joel Kotkin, qui a publié en 2020 un livre, L’Avènement du néo-féodalisme : un avertissement à la classe moyenne mondiale, rappelle que la dispersion de la propriété constitue un élément essentiel de l’essor et de la vitalité de la démocratie libérale. La crise du logement, particulièrement la difficulté des jeunes et des classes moyennes à accéder à la propriété, est lourde de risques profonds : « Si la propriété n’est pas largement répartie et accessible, et que vous avez des locataires à vie, vous finissez par créer une forme d’oligarchie. Elle peut être capitaliste, les locataires deviennent les esclaves des marchés financiers et des promoteurs immobiliers, ou bien étatique. » Nous voilà prévenus.
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