<< Poésie d'un jour
Illustration de Nicolas Blondel
1.
toujours on désire l’or et les remèdes
alors sans vergogne
on convoque les vents rouges
les siroccos
leur ardeur troue la page
disloque les mots
les incendies menacent
impatiences fièvres calcinées
le noir vibre en ses ocelles
d’arbre en arbre un signal
réduit le trajet des sèves
2.
dans la profondeur des nuits
quel accès
prises dans l’œil du cyclone
les choses perdent jusqu’à leur nom
à l’abord des côtes
les hypothèses plus fluctuantes encore
comment savoir
ce qui tiendra
ou non
3.
les mailles se resserrent
infailliblement les preuves
pour nos vies exiguës
les perspectives si étroites
et des dizaines de bonnes raisons
s’arrêter serait comme
interdire aux marées de suivre la lune
congédier le désert blanc
4.
à franchir tant de seuils
le continent maigrit
au large de l’isthme ( nous dit-on)
des dauphins des baleines
en son cœur des rumeurs d’éléphants
face à l’irréversible
les yeux se plissent
et si en réchapper
n’était pas un privilège
la terre s’inquiète
en sa fine pointe
demande la mer
5.
le temps accuse les traits
déroute les lignes
un souffle rouge braise
insiste en bordure
les ridées sont vides
parties ailleurs les alouettes
dans l’air
juste du silence
un gribouillis muet
6.
depuis longtemps la coupe est pleine
quelle fête encore préparer
passera-t-on du loup à l’éphémère
on n’a pas d’autre choix
que d’écrire l’histoire
jusqu’à son terme
chercher comment bien finir
guetter un ultime rebondissement
peut-être
Florence Saint-Roch, Cartographies, ©Illustrations Nicolas Blondel, Collection Grand ours, L’Ail des ours / n° 26, 2024, pp. 21 à 32.