<< Poésie d'un jour
" la parole luisait, libre, dans sa substance "
Aquatinte : G.AdC
III
En rêve le sommeil avouait sa nature
réelle qui est d’être
un plan différent de l’espace
un lieu dissimulé sous la durée.
Nul n’emportait sa chair d’ici
mise en veilleuse, dénouée.
Les corps se franchissaient comme des ponts,
des seuils.
On flottait un instant sur l’eau sombre
entre la matière et l’idée
puis chacun regagnait le règne des possibles
pour revêtir des vies fabuleuses, si vastes
qu’un oiseau pénétrant en elles par un œil
s’étonnait d’éprouver sous ses ailes le ciel.
IV
Partout le verbe affleurait, prêt à sourdre
mêlé de silence et de sang.
Des mots, il en naissait sans cesse loin des lèvres
depuis la mer gardant la phrase inaugurale
jusqu’au lait bleu du feu qui nourrit les images.
A l’extrême des ceps mûrissaient les syllabes
gorgées de suc, de sens, d’assonances sauvages.
L’ivresse en jaillissait sous l’écume des becs
aussitôt propagée vers les confins, les cimes.
Une pluie de versets criblait les couches denses
de l’air, se dissolvant en chaleur, en lumière :
comme si l’infini se fondait sur l’éclair
refusant de laisser trace de sa pensée.
S’élançaient du plus bas d’âpres architectures
de poèmes cristaux, d’élégies minérales
des vocables-lézards se lissaient aux colonnes
d’édifices futurs, sur des sites déserts :
la parole luisait, libre, dans sa substance
avide d’inventer sa propre fin – la voix.
V
Vivre se séparait sans cesse de finir.
A tous les échelons de la forme, l’ébauche
d’être se profilait, emplissant le néant
d’un amas de tissus et de germes tenaces.
Des soleils s’allumaient au fond d’un grain de sel
des peuples habitaient la pulpe d’un raisin
un monde s’achevait à la pointe d’une aile
pour aussitôt renaître à l’extrême de l’autre.
Vivre se dévorait et vivait de sa mort.
Marc Alyn « Orée » in Œuvres Poétiques, Tome I, L’Aventure initiatique (1956-1991, La rumeur libre Éditions, 2024, pp. 254, 255, 256.
________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________
________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________
MARC ALYN
■ Marc Alyn
sur Terres de femmes ▼
→ Forêts domaniales de la mémoire, Le rumeur libre, 2023l lecture d’AP)
→ [Un lézard est sorti du sépulcre du Roi] (poème extrait de La Parole planète)
→ « Proses de l’intérieur du poème » (Inédits, été 2010), in Dossier Marc Alyn rassemblé par André Ughetto
Revue de poésie et de littérature Phœnix, cahiers littéraires internationaux, janvier 2011 ― N°1, page 17 ; in « mots somnambules
[in « La durée circulaire »], Proses de l’intérieur du poème, Le Castor Astral, 201
→ D’une voix d’aube (poème extrait des Alphabets du Feu)
→ Le temps est un faucon qui plonge (lecture d’AP)
■ Voir aussi ▼
→ (dans la Poéthèque du site du Printemps des poètes) une notice bio-bibliographique consacrée à Marc Alyn
→ (sur Wikipedia.fr) un bel article consacré à Marc Alyn
→ (sur books.google.fr) Mémoires provisoires | Entretiens de Marc Alyn avec Marie Cayol
→ (sur books.google.fr) Marc Alyn, Le Chemin de la parole | Poèmes choisis 1954-1994
→ le site de la revue Phœnix