<< Poésie d'un jour
" La bouche pleine de mots nouveaux "
« Rame, ramage, ramure »
Terre apte à dévoiler l’âme.
Une nouvelle tribu entrait dans ma vie de mots, les mots du
dehors.
Chants d’oiseaux dans les ramures des arbres, aubes qui résonnent
du chœur des colombes, des geais, des roitelets…
Ramages, gazouillements.
Passeurs entre visible et invisible, chants annonciateurs de
volontés venues des hautes sphères.
Attention d’enfant à cette poésie simple.
Plumes nouées ensemble en un bouquet, plumes de corbeaux, de
rouge-gorge, de colibris, froissées entre mes mains, flétries
avant de s’envoler là où le hasard les emportera.
Cantique des grands ramages dans les ramures.
Plumes vertes saluées par les larges feuilles.
Les souvenirs ici renouent avec les paysages, rochers, prés, ciels
ourlés, rivières aux eaux vertes, sentiers boueux.
Et la mer.
Tableaux glanés au fil des vagabondages, inscrits par mon
émerveillement dans le long temps de la mémoire. Plaque
sensible qui enregistre la beauté donnée gracieusement.
Je recompose le miroir d’anciennes images dans lequel l’enfance
vient se refléter.
La source est là, à portée de mots.
Il y avait l’odeur de bois brûlés qui envahit les narines, éloigne
le tumulte, installe un silence apaisé.
Il y avait l’avril indécis quand le mois au double visage souffle
un air neuf et laisse flotter dans le ciel quelque chose qui allège
le cœur.
Le temps filait.
Bientôt viendraient les flambées de l’été, l’ardeur et la splendeur.
Saison bourdonnante de sons.
Dans le jardin poussaient l’olivier, le citronnier, le jasmin, le lilas,
le figuier. Odeurs puissantes qui touchaient l’âme.
L’été bruissait.
Le cœur traversé par les murmures du soir se laissait entraîner.
La bouche pleine de mots nouveaux, je posais un silence bavard
sur ce qui n’avait pas encore de nom, lieu secret de mes prières.
Une clairière de mots, un espace non entamé, non brûlé, un
désert.
Lieu qui appelle la tourmente ou la joie, quelque chose de dense
où vient se glisser la jouissance.
Catherine Pont-Humbert, « Rame, ramage, ramure » (extrait) in Quand les mots ne tiennent qu’à un fil, Une épopée poétique,
Œuvre de couverture : Maille de Pierrette Bloch, La tête à l’envers 2025, pp.39, 40.
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CATHERINE PONT-HUMBERT
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→ Sur Tdf
→ Les Lits du monde, La Rumeur libre Éditions, 2021