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Caroline Boulord / Épingle / Lecture

Publié le 27 janvier 2025 par Angèle Paoli

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" ... nos troupes du Liban ..."

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« Est-ce qu’ils vont m’arrêter ? »

Elle regarde   Bachar tourner    en rond     comme  un
fauve pris au piège.   Ce genre   de crise l’a  toujours
agacé   au   plus haut   point.   Elle,   elle a    traversé
des situations   hautement    plus critiques     et tolère
difficilement les pertes de sang froid de son fils. Elle
reste muette, avec dans les yeux   cette lueur   fragile
et toute particulière,   qui trahit ceux   qui s’efforcent
de cacher quelque chose. La chaleur    dans le bureau
est si    suffocante   qu’elle aurait envie   de défaire le
nœud trop serré de son chemisier.  La réaction de son
fils, de ce fils-là, ne l’étonne pas.  Elle se doutait que
l’attentat provoquerait   la consternation    des forces
occidentales.  Le régime   est accusé      ouvertement
d’avoir commandité l’explosion   à Beyrouth    qui a
tué le Premier ministre libanais. Bachar    a du mal à
respirer.

« Il va falloir   retirer    nos troupes du Liban.  Nous
n’avons pas le choix.

Elle a envie   de le   gifler.  Comme    ce jour     de la
cérémonie publique d’anniversaire organisée     pour
son père. Tout le monde avait commencé à applaudir,
et Bachar était resté immobile,   planté   au milieu de
la foule    comme    un imbécile.    Ce comportement
suspect lui avait valu une gifle en pleine face, la plus
monumentale   qu’il ait jamais reçu   de sa vie,  de la
part d’un agent des services  de sécurité  n’ayant pas
reconnu Bachar.   Personne n’avait rien     remarqué,
sauf elle.    Elle se souvient    des traces de doigts en
filigrane sur la joue rougie de l’adolescent,    de son
regard oscillant entre    détresse et incompréhension,
et du sentiment  ambivalent que cela avait provoqué
en elle,  mélange de honte et de pitié, mais aussi  un
certain contentement.    Combien de fois s’était-elle
retenue de le frapper ? Bachar s’était ensuite éclipsé,
de peur qu’on ne remarque son embarras.

Elle se lève et plante ses pupilles dans celles de son
fils.

« Est-ce que tu partiras  de Syrie quand on te dira de
partir de Syrie ?

Elle lui murmure quelques mots à l’oreille. Et,
comme toujours, l’évocation de son père fait l’effet
d’un électrochoc.   La douceur n’est pas ce dont il a
besoin.


Surtout pas ce fils-là.

Epingle

Caroline Boulord, Épingle / les derniers jours d’une mère et femme de dictateur, Éditions LansKine 2025, pp.27, 28, 29.

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