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Iya Kiva / Poèmes

Publié le 26 février 2025 par Angèle Paoli

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Source :Google images 

LET’S GO

l’espace humain est le contraire de la maison
hostile à l’idée de stabilité
mais circonscrit et clos
et ce qui est pire
absolument imprévisible

supposons
que tu te trouves un jour à l’intersection
de la rue Dovjenko et de l’avenue de la Victoire
ou sur le quai du métro Khreshchatyk
ou encore que tu ailles de Podil à la place de l’Europe
mais que fais-tu là

ou bien supposons
que tu écoutes un concert à la philharmonie
que tu regardes un film au ciné du quartier
que tu boives un café à la cannelle au bar du coin,
que tu discutes avec un intellectuel local
tu imagines avoir tes repères dans la ville

dans ton sac tu as au moins quatre plans de Kiev
dont un qui date d’avant-guerre

                     

                                  ***


« GARDER L’AIGUILLE DU SILENCE DANS LA BOUCHE »

garder l’aiguille du silence dans la bouche
coudre les mots avec du fil blanc
gémir en s’étouffant avec sa salive

cracher du sang au lieu de crier
réduire l’humidité de la parole sur la langue
trouée comme un seau rouillé

réparer les objets dont tu auras l’usage
marquer d’une croix les points les plus vulnérables
comme les pansements sur les blessés de l’hôpital

apprendre à chercher les racines d’une vie
qui ne sait pas encore comment elle s’appelle

                                  ***

la forêt nocturne des sévices
est densément peuplée
de cris de désespoir

entre les racines de la soif
l’humidité s’infiltre
jusqu’à la nudité

le souffle obstrué
par les rameaux de l’innocence
ressemble aux désirs morts

sur les arbres les haubans
pendillent impuissants
comme du linge sale

Logoeurope

Iya Kiva, Traduit du russe et de l’ukrainien par Jean-Baptiste Para in Europe, Revue Littéraire mensuelle, Mars 2025, pp.249, 250.

Iya kiva

Iya Kiva est née à Donetsk en 1984. En raison de la guerre, elle s’est d’abord installée à Kiev en 2014, puis à Lviv en 2022. Elle a notamment publié Plus loin du paradis (2018), La Première page de l’hiver (2019), ainsi qu’un recueil en traduction bulgare, Témoin sans nom (2022). Elle a réalisé un livre d’entretiens avec des écrivains bélarusses paru sous le titre Nous nous réveillerons différents (2021). Plusieurs prix littéraires lui ont été décernés. Iya Kiva a d’abord écrit alternativement en ukrainien et en russe1, mais la tragédie en cours l’a conduite à ne vouloir écrire à présent qu’en ukrainien.
Parmi les poèmes publiés ici, seul « Let’s go » a été publié en russe.

Source portrait  


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