Les Bourses dévissent ferme, les commentateurs économiques s’affolent, les militants prennent le relais : Trump est-il en train d’appauvrir la planète, de liquider les multinationales et de « se tirer une balle dans le pied », comme le répètent tous les commentateurs en boucle dans les médias mainstream ? Ce 4 avril, l’économiste Marc Fiorentino, spécialiste des marchés financiers, banquier d’affaires et essayiste à succès, célèbre pour ses conseils boursiers, n’est pas d’accord et le dit. Interviewé sur BFM Business, l’économiste attaque, bille en tête, « le florilège d’âneries et de certitudes qu’on entend depuis 24 heures ». Pour lui, les mêmes qui disaient que le NASDAQ n’avait pas de limites, que c’était la fin de la mondialisation, qu’on était dans les années 1930, que la France pourtant économiquement affaiblie avait bien le droit de se moquer de Trump… les mêmes, donc, enterrent aujourd’hui les réformes douanières du président américain. Le tout sur fond de sous-estimation de Trump, une fois de plus qualifié de… débile. « On n’a pas les moyens d’être arrogants, en France, et de porter des jugements quand on a des résultats aussi catastrophiques, s’agace Fiorentino. Quand j’entends un Thierry Breton après ce qu’il a fait dans plusieurs boîtes et quand j’entends Emmanuel Macron après ce qu’il a fait à l’économie française, je leur dis : calmez-vous un tout petit peu ! »
« Arrêtons de dire n’importe quoi ! »
Pour Fiorentino, on a tort d’assener comme une vérité révélée que les droits de douane vont relancer l’inflation aux États-Unis, car les taux et les prix du pétrole ont beaucoup baissé, et ce n’est peut-être pas fini. « Cela compensera totalement », dit-il, si le pétrole baisse encore, car pour lui, « la baisse de l’inflation et le gain de pouvoir d’achat pour les Américains est phénoménal : arrêtons de dire n’importe quoi, on n’a pas de certitudes. »
Nettement plus critique, Christian-Saint Étienne, contacté par BV, souligne lui aussi la part d’incertitude sur l’avenir, ce qu’on n’entend pas beaucoup parmi les économistes libéraux et mondialistes qui trustent les plateaux de télévision. « Généralement, les droits tarifaires sont une très mauvaise idée et provoquent des guerres commerciales qui appauvrissent tout le monde », admet-il. Il estime que cette stratégie « joue fondamentalement contre les intérêts des États-Unis eux-mêmes » mais que les résultats ne seront visibles que « dans un an ou deux », minimum.
En attendant, les droits de douane pris au reste du monde tomberont dans la poche de quelqu’un. Ces nouvelles taxes pourraient générer un gain de plus de 700 milliards de dollars annuels pour l’État fédéral, selon Trump. De 400 à 500 milliards de dollars, rectifie Christian Saint-Étienne. Tout de même…
Saint-Étienne croit à un effet inflationniste et redoute l’effet sur l’opinion publique américaine. « Les Américains jugeront cette politique dans un an, dit-il. Sauf que, pour relancer une industrie (aux États-Unis), il faut cinq à sept ans. Trump va se retrouver face à cette question de temporalité. » Les prochaines élections de mi-mandat interviendront, en effet, à mi-novembre 2026. Mais les Américains jugeront aussi l’efficacité de la politique anti-woke de Trump, rappelle Saint-Étienne. Marc Fiorentino est plus optimiste : « D’ici là, Trump aura annoncé une baisse de l’impôt sur les revenus financée par les droits de douane, et je peux vous dire que sa cote de popularité remontera sûrement ! », exécute Fiorentino.

« Tout le monde va se coucher »
Mais l’issue de cette crise inédite pourrait être différente. Christian Saint-Étienne ouvre la porte à une vaste négociation : il existe, pour lui, une « hypothèse » d’école dans laquelle « Trump est un génie et il utilise cette politique pour négocier de nouveaux deals ». Dans le même sens, Marc Fiorentino ne croit pas à une application constante et méthodique de l’ensemble des taux de douane annoncés. « Il n’y aura pas de droits de douane à 54 % avec la Chine, ni à 20 % ou 30 % avec l’Europe, dit-il. On va finir avec un accord à Mar-a-Lago de 10 % pour tout le monde, peut-être 20 % pour la Chine, et cela, non seulement ce n’est pas la fin du monde ni la Seconde Guerre mondiale, ni la Grande Dépression, mais c’est business as usual. » En bon magnat de l’immobilier, Trump tape dur pour négocier en position de force, estime Fiorentino, pour obtenir que l’Europe cesse d’entraver les affaires des GAFAM, notamment, et pour briser l’éventail des lois concoctées par Thierry Breton, ancien commissaire européen au Commerce extérieur. « Pour avoir 10 % de droits de douane, il faut qu’on se couche et tout le monde va se coucher », prédit Marc Fiorentino.
Comme Marc Fiorentino, ce qui le frappe ? « Trump se conduit comme le président de ceux qui l’ont élu », ces classes moyennes victimes de la mondialisation, autant dire de la suppression des droits de douane. Une politique qui a envoyé les usines et les emplois à l’autre bout du monde, laissant sur le sable du chômage et de la misère les classes moyennes américaines, comme les classes moyennes françaises. Dans l’indifférence des grandes consciences aujourd’hui dressées contre la politique de Trump, pourtant annoncée de longue date.