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Muriel Stuckel / Éclipse de mer

Publié le 10 juin 2025 par Angèle Paoli

 <<Poésie d'un jour

                                                                                                                                   

    

La mer

   

Photo G.AdC

ÉCLIPSE DE MER

Comme si le fait d’écrire était une chose qui m’advînt
Fernando Pessoa


Que ne suis-je parcelle
du poème qui palpite

quand fougueuse éclaboussure
spirale de vagues convulsives

par l’effondrement
d’une voûte houleuse

le souffle des profondeurs
m’anéantit

moi l’insondable

                  *

L’écume impétueuse je propulse
les sables séditieux je déchaîne
l’infime goutte je projette

plus avant plus loin
jusqu’à dissoudre

soif de l’ailleurs
et jouissances des limites

                    *

Et de la terre et du ciel
et du ciel et de ce que je fus

moi la mer insondable
moi la mer immémoriale

avec le défi de l’éclipse
sur la vague vagabonde

                  *

Moi la mer entre deux terres

ne me suis-je engloutie
reformant les arches d’antan

pupilles stellaires
suspendues

en cette éclipse
qui instaure
peu à peu

vibratoire

le supplice du vide majuscule

*

Contre la scansion du néant
les pas vacillants du poème

dans la fureur du silence
les balbutiantes syllabes

de l’éclipse de mer

et leurs ardeurs d’envol
au creux vif de la vague

                  *

Quand le poète de l’instant
prenant le temps à deux mains

bouscule l’éternité meurtrie
chavire l’immensité dénudée

que ne suis-je parcelle
du poème qui palpite

                 murmure la mer

                 *

La mer entre deux terres
élancée soulevée précipitée

le temps du poème

pas de fracas étincelant

tout au plus
les embruns des mots

qui frêles parfois fulgurent


là dans la mer
                entre deux terres

                   *

Serait-ce pour les relier en secret
retracer les arches incandescentes

d’une Atlantide du fond des âges


que ne suis-je parcelle
du mythe qui palpite

               sous le souffle du poème
                  juste avant son éclipse

Muriel Stuckel, Fragments d’un livre d’artiste, avec des eaux-fortes de Liliane-Eve Brendel in Le Journal des Poètes 1. 2024, 93è année, Éditions Le Taillis Pré, pp. 60, 61, 62, 63.

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 MURIEL STUCKEL

Muriel Stuckel 3

     ■ Muriel Stuckel
  sur Terres de femmes ▼

Petite Suite Rhénane | Kleine Rhein-Suite, éditions Philonar, 2016.
   Traduction d’Eva-Maria Berg. Eaux-fortes de Liliane-Ève Brendel.
Eurydice désormais, Voix d’Encre, 2011, page 34. Illustrations de Pierre-Marie Brisson (œuvres). Préface de Hédi Kaddour.
Dans la césure de tes poèmes (extrait de L’Insoupçonnée ou presque
→ [Demeure précaire] (autre extrait de L’Insoupçonnée ou presque)
→ [Sous le pas d’une ombre vive] (autre extrait de L’Insoupçonnée ou presque)
→ La poétique des failles chez Muriel Stuckel (Chronique d’Isabelle Raviolo)
→ [Ce n’est pas tant] (extrait d’Eurydice désormais)
→ Le risque de la poésie (autre extrait d’Eurydice désormais)
→ [Sous la courbe de la phrase] (extrait de Du ciel sur la paume)
→ (dans l’anthologie poétique Terres de femmes) La poésie échappée


■ Notes de lecture de Muriel Stuckel
  sur Terres de femmes ▼
→ Jacques Estager, Douceur
→ Gunvor Hofmo, Tout de la nuit est sans nom
→ Stéphane Sangral, Circonvolutions


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