Nous étions enfants, petits, niards, loupiots, morveux, au chaud dans la crasse de l'innocence. nous n'aimions pas l'eau ni le savon, nos yeux piquaient, nous pleurions dans les bassines d'eau que nos mères faisaient chauffer sur la cuisinière avant de nous faire la chasse et de nous y plonger, perdus corps et âmes pour la sauvagerie vitale. L'étrille nous repassait, maman avait la main leste et la propagande voulait que nous soyons comme des sous neufs. Propre comme un sou neuf ! On allait nous mettre sur le marché, nous n'en savions rien. L'ignorance de nos états était un autre blindage dont il fallait nous débarasser pour que le marché du neuf nous adopte, en confiance, obéïssant à tout ce que nous n'avions pas besoin de comprendre puisqu'il ne s'agissait que d'arriver à l'heure sur les lieux du salariat volontaire. Bientôt, quelques années pour ceux et celles dont l'usine tolérait à peine qu'ils sachent au moins lire le contrat de travail, signer le contrat de travail et compter les rognures de ce qui allait leur revenir à la fin du mois.
Nous ignorions cela aussi et c'est en toute bonne fois que les jours de rentrée des classes nous creusions des galeries digne de Dantès sous les oreillers de nos lits d'enfant. Etions nous de dangereux rebelles, des pervers, de fainéants vicieux ? Oui, puisque du format nous ne savions que ce dont nos chers parents soufraient eux même avant que d'en mourir honteusement mais dignes. Nous étions dangereux et nos premiers maîtres, nos parents, nous ont appris à aimer l'autorité et ses représentants légaux. nous aimions nos parents, passionément