Lorsque, donc, la grâce n'habite pas dans un homme, ils se tapissent dans
les profondeurs de son cœur, tout à fait comme des serpents, sans laisser l'âme
tourner ses désirs vers le bien. Mais lorsque la grâce se trouve cachée dans
l'esprit, alors, comme des nuages ténébreux, ils courent çà et là à travers les
différentes parties du cœur, sous toutes sortes de formes, suscitant les
passions du péché et des effervescences variées, pour troubler ainsi la mémoire
de l'esprit par leurs agitations et l'arracher à son commerce d'amitié avec la
grâce.
Lorsque nous laissons les démons qui tourmentent l'âme nous enflammer pour les
passions psychiques et surtout pour la présomption, qui est la mère de tous les
vices, si nous songeons à la corruption qui attend notre corps, nous sommes
pris de honte devant l'enflure de notre gloriole. Il faut agir de même lorsque
les démons qui assaillent le corps cherchent à entraîner notre cœur dans
l'effervescence de désirs remplis de turpitude. En effet, cette pensée peut
seule décourager toute espèce d'esprits mauvais, grâce au souvenir de Dieu. Par
contre si, en partant de cette considération, les démons qui s'attaquent à
l'âme essaient de nous inspirer un mépris sans borne pour la nature humaine,
sous prétexte que la chair lui enlève toute valeur (c'est d'ordinaire leur
manière de faire lorsqu'on veut les tourmenter par une pensée de ce genre),
tournons alors notre pensée vers l'honneur et la gloire du Royaume des Cieux,
sans oublier la perspective amère et sombre du jugement, de manière à nous
relever de notre découragement, tout en réprimant la légèreté de notre
cœur.
Saint Diadoque de Photicé : Les propos
ascétiques. Cent chapitres.