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L’hôtesse d’accueil

Publié le 07 septembre 2008 par Mbbs

J’ai choisi ce métier parce que je  trouvais rien d’autre. Oh je sais, il y en a qui penseront que c’est bizarre, mais bon, hôtesse d’accueil ici ou ailleurs… J’aurais dû travailler dans la coiffure, mais on m’a jamais embauchée, trop noire ! Les gens vous font des sourires devant puis quand ils vous écrivent, ils vous disent que votre profil convient pas. Pas grave, j’encaisse, je suis comme ça moi, je fais pas d’histoire, j’encaisse.

Au début ça me gênait pas trop de travailler ici. C’était même assez calme, comparé au supermarché où j’étais avant. Mais maintenant, j’ai des angoisses. Tous ces gens qui défilent avec des têtes d’enterrement ! Les premiers jours, vous vous dites que vous allez vous y habituer, mais je me demande si on s’habitue à ça ! La première semaine j’en rêvais toutes les nuits. Au travail ils m’avaient dit que c’était normal, qu’on passait tous par cette phase, mais maintenant, non seulement j’en rêve, mais je tombe dans les pommes… Pas plus tard qu’il y a une semaine, j’ai failli m’évanouir, pourtant on m’avait pas demandé grand chose, juste un verre d’eau. Le problème c’est que la femme qui me l’a demandé était tellement blanche et maigre qu’on aurait dit un fantôme, j’ai cru que c’était le corps qui s’était levé du cercueil. C’est déjà arrivé vous savez, pas à moi, mais on me l’a raconté quand je suis arrivée, alors vous pensez, avec l’imagination que j’ai ! La cliente a dû appeler le patron. Il a rien dit le jour même, mais le lendemain, j’en ai eu pour mon grade.

- De la tenue, qu’il m’a dit, si  maintenant c’est les clients qui doivent réconforter les employés, où on va, hein ?

J’ai rien répondu. J’encaisse, j’ai toujours été comme ça.
Mais, hier, il s’est passé quelque chose d’autre. Comme il y avait trop de monde pour visiter le défunt j’ai dû diriger les gens dans la salle d’attente. Je sais pas qui c’est ce défunt-là mais tout ce monde qui défile pour le voir, c’est impressionnant. Pourtant, qu’est ce qu’il est moche ! Et c’est pas faute d’avoir essayé de l’arranger ! Il a même eu droit au Thanatopracteur, c’est pour vous dire ! Je crois que c’est un type dans la politique ou quelque chose comme ça. Donc hier, j’ai passé mon temps à faire des allées et venues entre la chambre funéraire et la salle d’attente. A chaque fois que je le voyais dans son cercueil, ce type, j’avais l’impression qu’il me disait quelque chose. Je sais pas pourquoi. Pourtant, il y avait aucune raison qu’il me parle, il était mort. En tout cas, ça me mettait mal à l’aise. Le patron, lui, il était dans son bureau, il faisait les comptes. J’étais fatiguée, mais tout allait bien, jusqu’au moment où elle est entrée. En la voyant, je me suis tout de suite dit que quelque chose  tournait pas rond chez elle. C’était une petite blonde, agitée, avec des yeux tellement rouges que ça faisait mal au cœur. Je l’ai emmenée dans la chambre funéraire où il y avait déjà quatre personnes. J’ai attendu un peu, au cas où, et c’est au moment où j’allais sortir qu’elle a voulu grimper dans le cercueil. Quand j’ai vu ça, j’ai hurlé et je me suis évanouie.

Je me suis réveillée quand j’ai senti que quelqu’un me giflait. C’était le patron. Il paraît qu’il a été obligé de me donner 4 gifles pour que je me réveille, c’est les autres qui me l’ont dit. Et puis aujourd’hui il m’a fait venir dans son bureau pour me dire qu’il pouvait pas me garder.

- Vous êtes trop sensible, qu’il m’a dit, j’ai besoin de quelqu’un de solide.
J’ai rien répondu, j’ai pris le chèque et je suis partie. La mort, c’est pas mon truc, j’ai bien vu, mais je crois bien que la mort, c’est le truc de personne.


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