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Décibels

Publié le 07 septembre 2008 par Lili

Décibels
Y' a des jours comme ça !

Le wagon est calme. Plusieurs places assises demeurent bienheureusement vides, le jour d'un pont par exemple ou pendant les petites vacances, c'est le bonheur! Je serais presque prête à ne jamais faire le pont uniquement pour avoir le plaisir de prendre le RER sereinement, de profiter du calme des transports matinaux. Pas de bousculade ni de bruit, en dehors de quelques murmures lointains et du roulis de la rame.

Le matin, quelques bavardages de-ci de-là, des murmures de conversations, sont acceptables si l'on peut finir sa nuit, poursuivre ses rêves, se réveiller calmement en vue d'une journée de travail dense voire difficile. Relire son rapport, se concentrer sur un article professionnel, se plonger avec avidité dans un roman à suspens, s'évader au fin fond d'une galaxie lointaine ou d'un pays imaginaire. Oui on peut faire tout cela dans le RER. C'est tellement mieux que de s'énerver dans un embouteillage..., et nous voguons alors tranquillement vers notre destination journalière la grande capitale, le majestueux Paris.

Malheureusement la majorité des trajets ne sont pas aussi agréables. Malgré nous, nous sommes télé portés dans d'autres mondes. Sur un marché, dans un cocktail, une réunion internationale Tupperware, une cour de lycée, une boîte de nuit, un restaurant, un hall de gare...

Décibels

On se confronte à la foule qui nous englobe, on perçoit tous les sons exacerbés, le bruissement des vêtements, les soupirs, les éclats de voix, ça parle dans tous les coins, notre oreille malgré elle saisit des bribes de conversations décousues, mêlées de rires, de toux ou d'éternuements, de sonnerie de téléphones mobiles!!

Ce matin, deux hommes d'une soixantaine d'années discutent devant la porte d'entrée. Je suis au milieu du wagon, et pourtant j'entends parfaitement toute leur conversation. C'est insupportable mais compréhensible si l'un d'eux a son canal auditif détérioré.

La juxtaposition de ces mondes multiples dans un si petit wagon est fascinante. Je suis époustouflée par la facilité de chaque petit groupe à s'isoler et à ignorer les autres voyageurs. Chacun discute comme s'il était tout seul. Immergés dans leur conversation, tous s'imaginent que leurs propres paroles les isolent du monde, les protègent du regard et de l'écoute d'autrui. Ils oublient le lieu où ils se trouvent, ils négligent leurs voisins. Ils ont créé une nouvelle sphère privée dans un espace public.

Ces femmes, assises deux rangées plus loin, se sont lancées dans une conversation personnelle savoureuse. Je ne peux éviter les mots, et le sens de l'histoire. Tout le wagon est désormais affranchi du départ de son fils à l'étranger. Nous découvrons alors les états d'âmes de cette femme face à cette nouvelle situation, la réaction de son mari, les différents démarches qu'elle a dû engager, trouver un logement pour son fils, son stress par rapport à tout cela et son agacement lorsque son fils lui demande pourquoi elle s'inquiète autant. Mais bien sûr, il ne se rend pas compte, ce fils indigne, toutes les choses nécessaires à faire pour son départ. Pourtant elle est heureuse qu'il ait trouvé ce job, en Angleterre, elle en est très fière ! Si fière, que l'information est rendue publique. Où sont les paparazzi?

Juste derrière moi, c'est la méga teuf. Cette jeune fille n'a sans doute pas compris l'intérêt d'un baladeur, écouter de la musique pour soi sans l'imposer aux autres grâce à cette fabuleuse invention, les écouteurs individuels que l'on enfonce dans ses oreilles personnelles! Grâce à elle, le rythme de la dance et de nombreux morceaux de R&B, résonnent en moi. C'est vous dire à quel point c'est fort... Je plains ses pauvres oreilles. Tout le monde pourrait en profiter et se mettre à danser, ce serait tellement drôle. Alors comme la lecture ne m'est pas permise ce matin, j'imagine, tous ces gens, dans le wagon, qui se lèvent dans un même élan et ondulent au rythme de la musique...J'imagine..., j'aimerais me planter face à cette fille et la douleur inconsciente de ses oreilles, déjà bien abîmées par les décibels et danser sur sa musique.

Depuis plusieurs semaines, un nouveau bruit récurrent, insolite, inconnu jusqu'à ce jour m'intrigue. Je ne le perçois pas tous les jours, non, mais environ une fois par semaine, une sorte de clac-clac à intervalle régulier et cela dure à peine cinq minutes. Un fois où le wagon était calme, un jour de pont, j'ai entendu ce bruit plus proche de moi, j'ai voulu en avoir le cœur net et me suis rapprochée avant de descendre à Gare de Lyon. Je n'en ai pas cru mes yeux et me suis retenue de pouffer de rire. Un homme d'une trentaine d'années environ, était assis sur un siège près de la fenêtre. Il portait un costume beige et une chemise blanche. Même s'il ne portait pas de cravate, il avait belle allure, était très classe dans ses chaussures marron glacé fraîchement cirées.

Il tenait un coupe ongles dans sa main droite et se coupait très méticuleusement les ongles de la main gauche.

Les rognures d'ongles giclaient en une gerbe somptueuse puis retombaient en paillettes sur le siège imitation velours ou bien sur le plancher du wagon.

On s'approchait vaguement d'un nouveau concept artistique...


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