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« Ma maladie, je l’ai acceptée, mon expulsion non ! »

Publié le 07 septembre 2008 par Pat La Fourmi
Sur L'Humanité.fr

La suite de ça et ça....

En fauteuil roulant, Ananie Moreau a été expulsée de son logement parisien de façon inhumaine. Portrait d’une révoltée.

Quand, à Istres (Bouches-du-Rhône), Morgane se défenestre, désespérée à l’annonce de son expulsion, le même jour, au centre de Paris, Ananie, en fauteuil roulant, est jetée manu militari à la porte de son appartement. Mardi dernier, vers onze heures du matin, on frappe à la porte d’Ananie Moreau (53 ans), au 21 de la rue des Boulangers, dans le 5e arrondissement de la capitale. « L’huissier était accompagné de trois policiers et d’un serrurier. J’ai essayé de résister mais ils sont passés par la fenêtre », raconte-t-elle, encore sous le choc.

Ananie habite l’arrondissement depuis trente ans et, malgré des ressources modestes (environ mille euros auxquels s’ajoute une allocation logement), elle a toujours considérélink le paiement de son loyer comme une priorité. Mais ce jour-là, ses « videurs » n’en ont cure. Et ce n’est pas le handicap de la locataire qui les émouvra davantage. « Ils ont été odieux. L’huissier méprisant et les policiers agressifs, essayant de nous pousser à bout pour qu’on dérape. » Ananie, en pleurs, ne peut même pas donner la main à sa soeur par la fenêtre, empêchée d’entrer. La responsable des policiers, apercevant un ticket Vélib sur la table, demande : « Vous faîtes du vélo ? »

Depuis quatorze ans, cette Parisienne de toujours réitère chaque année une demande de logement social. À la charnière de 2004 et 2005, Ananie reçoit les mauvaises nouvelles en série. Malade depuis une décennie, elle finit par apprendre qu’elle est atteinte d’une sclérose en plaques. Quelques semaines plus tôt, c’est le propriétaire de l’appartement qu’elle occupe depuis une quinzaine d’années qui annonce son intention de vendre. Si elle obtient un délai supplémentaire en raison de sa santé, Ananie vit mal cette « épée de Damoclès » : « Je ne suis pas une délinquante, je ne comptais pas squatter, j’avais com- - mencé à faire mes car- tons », précise-t-elle.

Pendant les trois années qui ont précédé son expulsion, elle va multiplier les démarches. « J’ai écrit au maire du cinquième, et jusqu’au président de la République. Tout le monde m’a dit que j’étais prioritaire, que mon dossier était suivi et que je ne serais jamais expulsé. Mais ils finissaient toujours par se renvoyer la balle », constate Ananie. Deux propositions de logement finiront par lui parvenir. Emplacement inadéquat, inaccessibilité en fauteuil : aucune n’est adaptée aux besoins qu’exigent l’état de santé d’Ananie, soutenue par la l’association française des victimes de la sclérose en plaques (NAFSEP).

Le Préfet de police de Paris, lui, demande à cette handicapée à 80 % d’« accepter toute proposition que les services sociaux pourront (lui) faire. La prise en considération de l’évolution de votre maladie pourra intervenir dans une prochaine recherche », ose écrire ce pro- che de Sarkozy. « J’ai pensé faire une grève de la faim, mais on me l’a déconseillé », explique cette passionnée de musique. Soeur de l’écrivain de gauche libertaire Frédéric H. Fajardi, décédé en mai dernier, Ananie Moreau a la révolte au corps. « Mon père tenait une librairie très engagée dans le 13e arrondissement. Avec ma soeur (qui l’héberge actuellement - NDLR), nous étions des piliers de manif. Ma maladie, je l’ai acceptée, mon expulsion non ! » Aujourd’hui, la médiatisation de son cas la met très mal à l’aise. C’est pourtant ce qui a permis à Ananie d’entrevoir une issue positive : « Jeudi, Jean Tibéri m’a téléphoné pour me dire qu’un logement allait m’être attribué », dit-elle. Un deux-pièces, rue d’Ulm, qu’elle savait inoccupé et qu’elle avait aux services municipaux. Et de conclure : « Ce qui se passe en France est abominable, et j’en suis un triste exemple… »

article de Ludovic Tomas


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