Magazine Journal intime

BEST OF : L’anse de mon Étang-du-Nord

Publié le 26 novembre 2025 par Hugo Bourque

J’ai vingt ans

Nous sommes en juillet. Il fait chaud. Très chaud. Une godam de grosse chaleur madelinienne : un bon vingt degrés, en plein soleil, quand le suroît reprend son souffle juste avant de nous dépeigner les ch’feux. C’est calme, c’est beau… assis sur un dolosse à l’anse de mon Étang-du-Nord.

Pour me rendre jusqu’ici, j’ai marché de Lavernière à la Côte, coupe Longueuil au vent, musique de lutte dans les oreilles. Tout était parfait. Une heure de réflexions libres et de liberté réfléchie. Je suis aspiré par l’odeur inspirée de vagues brisées et de marées baissantes. Des trucks pleins de cages circulent, des ouéreux zieutent et des curieux curieusent.

BEST L’anse Étang-du-Nord

Je me rends jusqu’au bout du quai et laisse mon imagination aller encore plus loin. Je me transforme en funambule qui déambule sur le fil que dessine la rencontre du ciel et de la mer. L’horizon est le terrain de jeu de mes yeux qui regardent tout au bout de mon index qui pointe vers le large. Et je suis bien. Très bien. C’est ma place. Et je le sais. Mais, je rêvasse d’en déhors. Je m’imagine tout petit au milieu de la grand’ville. Comme le bateau, seul, au beau milieu d’une mer agitée. Les vagues viennent se fracasser à quelques pieds de moi, me laissant au passage une délicate brume salée au visage. Ça goûte bon. Ça sent bon. Mes yeux cherchent le bout du bout de la ligne d’horizon. Son point final qui annoncerait le début de quelque chose de neuf. Un changement. Un nouveau départ. MON départ. Vers la grand’ville. Seul. Au beau milieu d’une mer agitée.

J’ai vingt-quatre ans

À bord du traversier, les yeux dans l’eau, je quitte qui je suis pour être mieux. Peut-être. J’espère. L’idée n’est pas de me prendre pour un autre, mais bien de devenir cet autre. Celui je ne me permettais pas d’être, celui qui souhaitait naître. Passer de l’éternel ado vivant encore chez ses parents à l’homme. L’auton’homme. Mais pour y arriver, pour me balancer, pour me trouver, il a fallu que je quitte, que je quit. Abandonner amis et parenté, mais aussi la terre qui m’a vu grandir, les buttes qui m’ont entendu débouler en riant, les plages qui m’ont chatouillé les pieds, les vagues qui m’ont bercé tant le tympan que le dedans. Un sacrifice. Un grand. L’ultime. Mettre son identité en veilleuse pour se trouver ou se retrouver.

BEST L’anse Étang-du-Nord

J’ai quarante-deux ans

À l’arrivée de chaque nouvelle belle saison, mon esprit me balance une image haute définition du cap du Gros-Cap ou de l’anse de la Belle-Anse. Ça me vient automatiquement avec une senteur de marée baissante ou de chaudiérée de coques qui se réchauffent les panses en attendant le souper. Suis-je à la bonne place? Me manque-t-il quelque chose dans ma vie?

Comme tout madelinot exporté, oui, il me manque de quoi. L’insularité. Cette particularité bien à nous. Ce qui fait de nous, nous, et ce qui fait d’eux, eux. Le calme, le détachement, l’abandon. La simplicité. Vivre au rythme des saisons, des marées baissantes et des quartiers de lune. Se laisser bercer par le mouvement incessant de la vague… assis sur un dolosse à l’anse de mon Étang-du-Nord.

*** Les articles de la série BEST OF, sont des extraits de mes recueils. ***

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