La captivité est une chose, la lutte en est une autre : la première suggère la
violence d'une prise de force, la seconde, une lutte à armes égales. C'est
pourquoi l'Apôtre dit que le diable attaque, même avec des traits enflammés,
les âmes qui portent le Christ. Celui qui ne peut s'emparer de son adversaire,
se sert sans cesse de traits afin de pouvoir, avec ses flèches ailées,
atteindre celui qui combat de loin contre lui. De même aussi Satan, puisque la
présence de la grâce l'empêche de se tapir comme auparavant dans l'esprit des
combattants, volète sur leurs humeurs et se tapit dans le corps, afin, grâce à
la complicité dlu corps, d'attirer l'âme dans ses pièges. C'est pourquoi il
faut, sans dépasser la mesure, exténuer le corps pour éviter que, par ses
humeurs, il n'entraîne l'esprit sur la pente des plaisirs. Il convient donc de
croire à la parole même de l'Apôtre lorsqu'il déclare que, dans l'esprit de
ceux qui poursuivent le combat, la lumière de Dieu agit avec efficacité ; aussi
il se soumet à la loi de Dieu et il y prend plaisir. Mais la chair trouve son
plaisir à accueillir les esprits mauvais dans sa complicité avec eux. C'est
pourquoi, il lui arrive de se laisser asservir par leur malice.
D'où il apparaît très nettement que l'esprit ne saurait être la demeure commune
de Dieu et du diable. Sinon, comment aurait-il dit : Par l'intelligence, je
suis asservi à la loi de Dieu et par la chair à la loi du péché (Rom 7,
25), si mon esprit, en toute liberté ne se dressait pour le combat contre les
démons, en se soumettant volontiers à la bonté de la grâce, tandis que le corps
accueille plus volontiers les parfums des plaisirs irrationnels ?
C'est parce que, comme je l'ai dit, il est permis aux esprits mauvais et
trompeurs de se tapir dans le corps de ceux qui poursuivent le combat [Je
sais, dit l'Apôtre, qu'en moi, c'est-à-dire en ma chair, n'habite pas le
bien (Rm 7, 18),] donc chez ceux qui résistent au péché vers le
milieu du combat. L'Apôtre ne dit pas cela de lui-même, lorsqu'il dit que les
démons font la guerre à l'esprit, mais qu'ils essaient aussi d'amollir la chair
par les sollicitations grossières, pour la faire glisser sur la pente des
plaisirs. Il leur est en effet permis, selon un juste jugement, d'habiter dans
les profondeurs du corps, même chez ceux qui luttent de toute leur force contre
le péché, parce que le libre arbitre de l'homme est sans cesse mis à l'épreuve.
Mais si quelqu'un pouvait, lorsqu'il est encore en cette vie, mourir sous
l'effet des travaux, il deviendrait tout entier la demeure du Saint-Esprit, car
avant de mourir, un tel homme est déjà ressuscité, comme c'était le cas pour le
bienheureux Paul et pour tous ceux qui ont lutté ou luttent encore à la
perfection contre le péché.
Saint Diadoque de Photicé : Les propos
ascétiques. Cent chapitres.