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Le Jeudi ·23 juillet 2009. En direct des itinéraires culturels : Démocratie paysagère. « La Vallée » de Gilles Clément

Publié le 17 décembre 2025 par Memoiredeurope @echternach
Jeudi juillet 2009. direct itinéraires culturels Démocratie paysagère. Vallée Gilles Clément

Les itinéraires culturels du Conseil de l’Europe mettent en valeur des grands thèmes européens. Ils s’incarnent pourtant d’abord dans des lieux et dans les actions de ceux qui leur ont permis de naître ; mais aussi dans des légendes, des personnages, des circulations mentales et physiques.

L’idée d’un itinéraire culturel consacré aux Parcs et Jardins, puis au Paysage, n’est pas née pour créer un label supplémentaire qui désignerait à l’attention les plus beaux jardins d’Europe (1). 

L’ambition était directement liée aux valeurs défendues par le Conseil de l’Europe pour ce qui concerne la protection de l’environnement. Elle incluait aussi une dimension pédagogique qui est devenue prioritaire en 2004, lorsque la Convention Européenne du Paysage est entrée en application : faire prendre conscience aux propriétaires et aux usagers du paysage qu’il existe une responsabilité commune de la « démocratie paysagère », comme il existe une appropriation de la société démocratique par les électeurs et les élus.

Jeudi juillet 2009. direct itinéraires culturels Démocratie paysagère. Vallée Gilles Clément

Au-delà du sens artistique et de la dimension mythologique développés pour créer les jardins historiques, ainsi que de la multitude de métiers nécessaires à leur réalisation et à leur entretien, le fait qu’un jardin constitue une mise en scène de la nature est apparue également comme une question diachronique à soulever. 

Au cours de l’histoire des jardins on se retrouve constamment confronté au conflit entre la domestication que l’homme a osé exercer sur la nature et la manière dont il a accepté la vie propre des végétaux, en tenant compte de la part d’artifice et d’artificiel. 

Des jardins d’automates ou de machineries, en passant par les jardins paysagers anglais, sans limite et sans clôture, il a fallu attendre le « Jardin en mouvement » de Gilles Clément pour que le respect du déplacement spontané des plantes devienne une priorité : envolée du pollen et des graines, transports des fruits par les oiseaux, progression invisible des rhizomes souterrains.

Jeudi juillet 2009. direct itinéraires culturels Démocratie paysagère. Vallée Gilles Clément
Jeudi juillet 2009. direct itinéraires culturels Démocratie paysagère. Vallée Gilles Clément
Jeudi juillet 2009. direct itinéraires culturels Démocratie paysagère. Vallée Gilles Clément

Gilles Clément est paysagiste, mais il est d’abord agronome, botaniste, entomologiste, amoureux des pierres, écrivain remarquable et architecte de la douceur, tous ces termes étant indissociables les uns des autres. Nous l’avons rencontré lors des premières réflexions sur l’itinéraire du Conseil de l’Europe. Le travail qu’il a réalisé pour le concours Lausanne Jardins 97’, aménageant dans leurs mouvements propres les prairies de la tranchée du métro a constitué un repère. Il était présent à Strasbourg, dans les prémices de la conception du « Jardin des Deux Rives », inauguré en 2004 en signe de réconciliation des pays européens, de l’Est et de l’Ouest, de part et d’autre de la frontière du Rhin. Il était là, bien entendu, pour nous faire visiter son « Jardin planétaire » à la Grande Halle de la Villette fin 1999.

Jeudi juillet 2009. direct itinéraires culturels Démocratie paysagère. Vallée Gilles Clément
Jeudi juillet 2009. direct itinéraires culturels Démocratie paysagère. Vallée Gilles Clément
Jardin des Deux Rives - Strasbourg - Kehl. Cliché MTP.

C’est dire la manière fondamentale dont il a marqué l’itinéraire, même s’il n’est responsable aujourd’hui d’aucune des étapes concrètes dont nous pourrions proposer la visite. Pourtant grâce à lui, nous regardons avec d’autres yeux les sites qui ont été retenus pour construire l’itinéraire du Conseil de l’Europe (°). 

Si l’on souhaite pourtant connaître un des lieux les plus emblématiques de l’itinéraire, mais aussi un des plus secrets et des plus marquants, alors il faut le chercher dans les ouvrages consacrés à La Vallée de la Creuse où il s’est installé : depuis le Traité succinct de l’art involontaire (Sens et Tonka, 1997) jusqu’au Salon des Berces paru cette année chez NIL dans une collection où Catherine Clément comme Jean-Paul Kauffmann ont déjà évoqué leur maison refuge.  

Jeudi juillet 2009. direct itinéraires culturels Démocratie paysagère. Vallée Gilles Clément

« Les plantes s’exposent, les animaux se nichent, nous humains, avons besoin d’une maison ». 

Voilà la première phrase de celui qui a construit sa demeure avec et dans l’environnement végétal, rompant la limite du dehors et du dedans, en s’insinuant également dans les interstices du Tiers paysage, là où comme pour le tiers-état, ne s’exprime « ni le pouvoir, ni la soumission au pouvoir ». 

Vivre l’expérience de La Vallée, c’est également vivre l’universelle interdépendance de la diversité biologique.

 (1) Depuis cet article un Itinéraire des jardins historiques a reçu le label du Conseil de l'Europe. Il se situe en grande partie à l'opposé des concepts dégagés par un travail de plusieurs années en France, Italie, Portugal, Lituanie par l'auteur et de nombreux experts. Il s'appuie au contraire sur une approche voisine de celle de l'UNESCO et de ses conventions. 

(°) Les jardins évoqués font l’objet d’une publication de l’auteur : Leçons de jardins à travers l’Europe mais aussi de l’ouvrage collectif Le Jardin des Deux Rives.

Tribune de  Gilles Clément : http://www.gillesclement.com/index.php

Jardin du Quai Branly, Paris. 


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