Magazine Journal intime

A toute blinde !

Publié le 09 septembre 2008 par Lephauste

J'étais à toute blinde! J'enclenchais les rapports, je faisais grincer les pignons, ça chassait dans les virolons, je froissais un peu la tôle. Ca sentait la gomme, le bibendum chauffé à blanc, le compte tour frisait de l'aiguille, les décimètres filaient sous le chassis ... J'étais à toute blinde, à tout berzingue ! Le paysage , rien à paître ! Les vallons, les monts, le lent moutonnement des pâtures, la bovine cambrousse, les hameaux, les pylones, au loin les éoliennes, le sac des sablières, Samarcande, Combray, Courbevoie, la route des gardes,  le velouté des lacs, la volupté des claques, les lacets, les cols, les côtes en travers,  à trente pour cent ... Avec ce que j'avais au cul tout me poussait de l'avant. Vas-y !  je me disais. Passe la douxième, la douce, la surmultipliée, l'in octavo, l'in-quarto, le raisin, fais fi de la jaquette, du prière d'insérer. Pas le temps de feuilleter, les cartes me glissaient des genoux, Tataouine, Zegzel, Berkane, Ierapetra ...

J'étais à toute blinde, la jauge s'assoiffait, je pissais en filant des litres de waterman, je roulais au noir en raclant les lignes blanches. La casse du Garamond, rue Sébastien bottin ! C'était moi, tout seul ! le Céline rémoulade, l'affreux génial Ferdine accroché au rétroviseur, le Bébert, la Vigue dans la boite à gants; Les mytheux poursuivant au cul de la carlingue, quelques touffes de poils défrisés au pare-chocs; toutes les polices à la peine capitale et du "Corrector" pour le sursis ... Quelle ivresse dans le placet ! Quel benet je faisais. J'avais appris à lire dans "le dialogue des carmélites" et à écrire nulle part, sinon qu'à ne jamais vouloir rien fiche comme les autres, les jours de corvées c'est ce que je disais ... J'écris ! Fichez la paix ! Et comme personne savait à qui au juste j'écrivais, pour finir on me fichait la paix ! J'écrivais à personne, bien qu'un peu à mon père qui devait trouver qu'au prix du coup de langue le timbre pouvait bien rester dans son carnet de notes : Ich bin ein tzal con ! Et dans le Vaterland c'était moi qui passait la balayette.

J'étais à toute blinde ... Pas un temps qui m'ait vu composé avec lui, pas une conjugaison qui m'ait vu subjugué, pas un accord, pas une orthographe qui m'ai fait orthodoxe, je prenais des piles à chaque copie, "hors sujet", je prenais pas le bac J'écris ! fichez la paix !


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