Le cœur porte aussi de lui-même des pensées bonnes ou mauvaises : ce n'est pas par nature qu'il produit des pensées mauvaises ; mais par suite de la toute première tromperie, il garde comme une disposition habituelle le souvenir de ce qui n'est pas bien. Cependant, dans la plupart des cas, ces pensées mauvaises viennent de l'âpreté des démons. Mais nous avons le sentiment que toutes nos pensées sortent de notre cœur.
C'est pourquoi certains ont été amenés à penser que le péché se trouve dans
notre esprit en même temps que la grâce. Aussi, disent-ils, le Seigneur a dit
que ce qui sort de la bouche vient de notre cœur et c'est cela qui souille
l'homme. C'est du cœur que sortent les mauvaises pensées, adultères et le
reste (Mt 15, 19).
Mais ils ignorent que notre esprit, étant doué d'une faculté de perception très
subtile, revendique comme venant de lui des pensées suggérées par les esprits
mauvais, par l'intermédiaire de la chair, étant donné que la complicité du
corps accentue encore des tendances de l'âme, du fait de son union avec elle,
dans une mesure que nous ignorons. Puisque la chair se plaît toujours
exagérément à se laisser flatter par des séductions trompeuses, de ce fait,
c'est du cœur aussi que semblent sortir les pensées semées dans l'âme par les
démons. Cependant, elles ne deviennent réellement nôtres que lorsque nous
consentons à nous y complaire. C'est là ce que le Seigneur condamne, comme le
montre la parole de l'Ecriture Sainte évoquée plus haut. Si on se complaît dans
les pensées inspirées par la malice de Satan et si on garde leur souvenir comme
gravé dans le cœur, il est certain que ce dernier porte dès lors ces pensées
comme des fruits venant de son propre fond.
Saint Diadoque de Photicé : Les propos
ascétiques. Cent chapitres.