Si, du fait que l'on a en même temps des pensées bonnes et mauvaises, on en conclut que l'Esprit Saint et le diable habitent en même temps dans l'esprit, il faut que l'on sache que cela arrive parce que nous n'avons pas encore goûté et vu que le Seigneur est bon, car, dans un premier temps, comme je l'ai dit plus haut (cf. chap. LXXVIII), la grâce cache sa présence chez les baptisés, en attendant le bon vouloir de l'âme.
Mais lorsque l'homme se tourne de tout son être vers le Seigneur, c'est
alors que, dans un sentiment indicible, elle manifeste sa présence au cœur et
de nouveau attend le mouvement de l'âme, tout en laissant cependant les traits
du démon atteindre la profondeur de sa sensibilité, afin que l'âme cherche Dieu
avec un élan plus fervent et une disposition humble. Si donc l'homme commence
dès lors à réaliser des progrès par l'observance des commandements et invoque
sans cesse le Seigneur Jésus, alors, même jusque dans les sens extérieurs du
cœur, le feu de la grâce sainte consume l'ivraie de la terre humaine, en la
brûlant jusque dans ses racines. Il s'ensuit que les machinations du démon
portent leurs atteintes loin de ces régions, en frappant des coups désormais
très amortis dans la partie passionnée de l'âme.
Lorsque le combattant a noué sur lui toutes les vertus et surtout la pauvreté
parfaite, alors la grâce éclaire toute sa nature, par une perception plus
profonde, et l'enflamme désormais d'un grand amour pour Dieu. Dès lors, les
traits du démon s'éteignent en dehors du sens corporel. En effet, la brise de
l'Esprit Saint emporte le cœur vers des souffles de paix et éteint les traits
du démon incendiaire qui peuvent encore voler dans l'air. Cependant, même celui
qui est parvenu à ce degré, Dieu l'abandonne parfois à la malice du démon, en
laissant son esprit privé de lumière, afin que notre liberté ne soit pas
complètement enchaînée par le lien de la grâce, non seulement parce que c'est
dans les combats qu'on parvient à vaincre le péché, mais encore parce que
l'homme a toujours à progresser dans l'expérience spirituelle. En effet, ce qui
passe pour la perfection chez le disciple, se révèle encore imparfait si on le
compare aux richesses de Dieu qui nous instruit dans la haute exigence de son
amour, même si, à force de progresser de travaux en travaux, quelqu'un a pu
gravir toute l'échelle montrée à Jacob (Gen 28, 12).
Saint Diadoque de Photicé : Les propos
ascétiques. Cent chapitres.