Ossète décisif ou retour à l’Abkhaze départ ?

Publié le 11 septembre 2008 par Etxe

Les Europhoriques le crient sur tous les toits (comme Olivier Duhamel ce 11 septembre sur France Culture) : il y aura un avant et un après « accords de paix en Géorgie » pour la politique internationale de l’Union Européenne. L’Europe a enfin parlé d’une seule voix et s’est imposée comme le promoteur d’un accord de paix important. Diantre !Notre Président européen, qui hésite entre les amis de Napoléon et ceux de Charlemagne, se croit en mesure d’imposer sa « Pax Europea » sur les marches de l’Europe à claquant ses talonnettes et en donnant des coups de menton.Mais à y regarder de plus prêt, l’accord du 8 septembre est au moins aussi flou que celui du 12 août. Et surtout, il évite d’aborder la seule question vraiment importante : la souveraineté de la Géorgie sur les territoires abkhaze et ossète. Et en disant qu’il n’aborde pas ce sujet, je suis imprécis. De fait, il l’aborde, puisqu’il permet à la Russie de maintenir sa présence militaire dans ces deux territoires, et il ne conteste pas la décision de la Russie de les reconnaitre comme deux états souverains, indépendants de la Géorgie. L’accord signé par Sarkozy ampute purement et simplement la Géorgie de ces deux autonomies et entérine un fait du Prince (Medvetine), qui pourrait faire jurisprudence.Les Russes sont impérialistes et nationalistes, ce n’est pas une nouveauté. Qu’ils soient menés par un Tsar aux inspirations féodales, par un Premier Secrétaire aux aspirations communistes ou par un Président aux relations mafieuses, ils ont toujours une notion de la Grande Russie et de sa zone de protection qui se contente difficilement des frontières reconnues internationalement. Les chars russes de 2008 en Géorgie auraient dû soulever la même indignation que les chars soviétiques de 1968 en Tchécoslovaquie. La seule chose qui ne change pas 40 ans après, c’est la faiblesse des réactions internationales réelles, et la mollesse de l’Europe.En annonçant avant-même de boucler l’accord de paix qu’elle ne prendrait aucune sanction contre l’invasion russe en Géorgie, l’Union Européenne s’est coupée les deux bras et les deux jambes, ce qui est un peu embêtant à quelques heures de rentrer sur la pelouse pour un match décisif…Les Russes ont alors tout loisir de dire qu’il y a eu un problème de traduction dans l’accord du 18 août (ce qui est vrai d’ailleurs : « dans la version russe, le texte évoque la sécurité DE l’Abkhazie et DE  l’Ossétie du Sud”, alors que “dans le document transmis à Saakachvili”, en version anglaise, “cela a été présenté comme EN  Abkhazie et EN Ossétie du Sud” » – source : Le Monde du 7 sept) ou qu’ils interprètent différemment celui du 8 septembre (Lavrov, le Kouchner du Kremlin, vient d’indiquer que les observateurs que l’UE voulait déployer dans les territoires autonomes « seront déployés juste autour de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie, et non pas à l’intérieur de ces territoires », Solana – le Kouchner de l’UE – reconnaissant un peu piteusement que « c’était quelque chose qui n’avait pas été discuté à ce moment-là ; il y a des différences d’interprétation de la Russie sur plusieurs points”. ) Mais pourquoi nos représentants se couchent-ils ainsi aux pieds de Medvetine (ou de Poutvedev, je ne sais plus…) ? La Russie a un PIB inférieur à celui de l’Espagne (critères FMI) et du niveau de celui de l’Italie (en parité de pouvoir d’achat), et si elle est riche de ses ressources naturelles, elle doit aussi leur trouver des débouchés… Et l’Europe reste son seul et unique horizon vers l’Ouest. En effet, si l’Europe dépend à près de 40% de la Russie pour sa consommation de gaz et de pétrole (moins de moitié moins pour la France seule), elle est de loin son 1er client avec plus de 60% de ses exportations, ses voisins asiatiques (Chine, Japon, Corée) ne représentant que… 3% !Le dialogue énergétique est donc la clé de voûte de nos discussions avec la Russie, mais il n’est pas démontré que Moscou a moins besoin de « Bruxelles » que l’inverse.Difficile dans ces conditions d’expliquer cette prudence légendaire à l’égard des écarts des hommes forts successifs de Moscou, de Nicolas à Medvetine, en passant par Brejnev et Elstine.