La Limace, Cette Pique-Assiette Trop Méconnue.

Publié le 11 septembre 2008 par Mélina Loupia
On a tendance à assimiler un peu trop vite un animal à son régime alimentaire. Ainsi, on passe facilement pour un gros benêt lorsqu'on trouve logique qu'une vache boive du lait ou que les tortues mangent de la laitue. Personnellement, je ne m'étais jamais inquiétée de savoir ce que pouvait bien diantre bouffer une limace. L'escargot, c'est bon, je sais. Mais la limace, d'une je ne le savais pas, de deux, je m'en tamponnais la coquillette bolo. Alors c'est Maurice, mon über-chat, qui a comblé ma lacune. Comme quoi on a toujours besoin d'un gros con de chat chez soi. La découverte capitale a eu lieu avant-hier soir, tard dans la nuit. La nuit, Maurice, il sait que y a jamais personne au self du cellier. Il sait donc que s'il veut se taper un petit en-cas de croquettes, il sera pas agressé par ses colocs'. Il sait qu'il devra pas passer en dernier cause la galanterie. Il sait qu'il se prendra pas un méchant coup de patte en travers le museau pour avoir dépassé d'un poil sa place. Il sait que du coup, il pourra bouffer comme il veut, bien couché devant la gamelle et pas juste du bout des moustaches, perpendiculaire au distributeur de croquettes, avec les pattes arrières dans le bol d'eau, l'avant gauche sur le rebord de l'écuelle à pâtée et la droite en appui contre le mur. Il sait qu'il sera pas obligé de gober la croquette de peur de se la faire bouffer carrément dans sa gueule par cette saloperie d'Agrippine, sous corticothérapie et qui se boufferait la truffe si elle pouvait. En bref, Maurice, la nuit, il prend son temps de se faire le gueuleton, le graillou, la chouille qu'il veut. Et moi, voir Maurice, MON Momo s'offrir un orgasme alimentaire, ça me réjouit. Alors je l'ai suivi. Et comme sa queue venait de disparaître telle celle du cobra se terrant sous le sable avant de se taper une belette du désert toute crue, je m'attardais à nettoyer la plaque de cuisson qui se trouvait dégueulasse sur mon passage. Quand je suis à mon tour entrée dans le cellier, par la porte puisque je ne possède plus de queue depuis longtemps, j'ai eu une poussée d'adrénaline. Momo s'était changé en statue de pierre. S'il n'avait pas miaulé de désespoir, j'aurais cru qu'on nous l'avait remplacé par un Setter irlandais tant il marquait l'arrêt à la perfection. Les oreilles façon casquette de retraité, la patte avant pliée et relevée, le cul bas et la queue droite comme un étendoir de baignoire. Juste sa mâchoire bougeait pour miauler cet état d'angoisse extrême. Au moment même où j'allais quêter sa proie, Momo tente l'approche nasale. Erreur, de ma part, de me trouver juste derrière lui, lorsqu'il a fait un bond de gazelle, est retombé sur mon dos, a tenté de se ratrapper à mon tee-shirt sous lequel se trouvait ma peau, laquelle n'a pas assez adhéré à ses griffes, qu'il a laissées traîner jusqu'au sol, avant de disparaître par la chatière, après se l'être emplafonnée. N'écoutant que mon courage, je faisais fi des lacérations et me précipitais vers la gamelle, mais étant donné que je m'étais déjà pétée le ventre avec trois litres de pop-corn, la croquette, je doutais qu'elle resterait sagement dans mon estomac sans vouloir faire demi-tour dans la nuit. J'ai alors pu à loisir constater l'objet de la fuite courageuse de Momo sans me laisser distraire par ces petits amuses-gueule qui refoulent sacrément le cadavre. Je le soupçonne d'avoir tenté de lui bouffer les antennes et elle de lui avoir fait les gros yeux. Mais visiblement, malgré le boucan et le bordel qu'a faits le déplacement du gymnaste à moustaches, cette espèce d'hybride entre le léopard et la l'escargot s'est pas détourné de son butin et a continué de s'empiffrer de croquettes. Pendant que Momo était retranché derrière la chatière, sur la terrasse, et continuait de grogner et souffler, la bave aux babines, j'allais chercher mon druide. "Chéri, viens voir, un truc de fou. -Quoi? -Viens, sinon, tu vas pas me croire. -... -Regarde, y a une limace déguisée en pute de banlieue qui vient piquer les croquettes de Momo, et ce gros con, il a eu la trouille, alors il est dehors et il ose plus rentrer. -Je sais. Elle est venue tout l'été cette grosse voleuse. Tu vois comme elle est grasse? -Et tu m'as rien dit? -Non, tu m'aurais pas cru et encore, t'aurais dit que je joue trop à ce putain de jeu, on se serait encore enguirlandés, on aurait pas fumé nos clopes en entier, on serait encore énervés, on se serait couchés fâchés, forcément, à ce rythme, je me la colle derrière l'oreille et je la fumerai au printemps. Alors non, j'ai rien dit, et franchement, j'espère que tu vas pas me le reprocher? -Non, juste je me demande comment ça t'a pas plus espanté que ça de voir une limace bouffer des croquettes, je sais pas, c'est un peu comme si moi je bouffais des lézards? -Si tu bouffais des lézards, je t'aurais déjà foutue dans un cirque. -Bon, on fait quoi pour Momo? -On lui fait bouffer la limace, je vois que ça pour qu'il puisse se nourrir correctement, ce con de chat. Regarde, il a même peur de son reflet dans la vitre de la chatière. -C'est vrai qu'il est con ce chat. -Non, c'est vrai qu' il est con, TON chat."