SEP-camion en Espagne

Publié le 12 septembre 2008 par Pat La Fourmi
Vu sur Ouest-France.fr

Elles se sont accrochées à leur rêve. Gisèle Michot, atteinte de sclérose en plaques, a voyagé en camion vers l'Espagne, avec sa fille Nathalie. Une grande aventure menée de front. Et une petite dose de bonheur qu'elles espéraient depuis des mois.

La cheminée a été repeinte, tout en blanc. Un coquelicot en papier est venu égayer un mur. Ce salon aux poutres apparentes, au rez-de-chaussée d'une petite maison normande de Saint-Germain-du-Crioult (Calvados), est devenu la chambre de Gisèle Michot, 69 ans. Elle y est restée alitée pendant un an, victime d'une sclérose en plaques, diagnostiquée il y a douze ans.

Alors, le jour où elle a pu s'asseoir de nouveau, dans un fauteuil roulant, Gisèle Michot a voulu changer cet intérieur où elle était restée enfermée, entre l'été 2007 et l'été 2008. Mais ça n'a pas suffi. Le mois dernier, elle s'est donc lancée dans une « aventure » plus ambitieuse que de donner un coup de pinceau à son salon : traverser la France, vers le Sud, puis l'Espagne. Un « grand voyage » de 1 600 km.

Tout avait été pensé et programmé par Nathalie, sa fille unique : du camion équipé d'une rampe d'accès, acheté en Loire-Atlantique, aux étapes dans des hôtels réservant des chambres aux personnes handicapées. Elle tenait depuis longtemps à ce que sa mère découvre l'Espagne, le pays où elle enseigne le français. Et aussi « qu'elle voie la mer et l'école de ses petits-enfants ».

Saint-Germain-du-Crioult, Tours, Bordeaux, Bayonne, et toute l'Espagne, du nord au sud en passant par Saragosse et enfin Alicante. Entre 200 km et 350 km chaque jour, entre le 11 et le 15 août, date de leur arrivée chez Nathalie. Certes, le périple fut semé d'une ou deux embûches. « À Tours, l'accès à la chambre était un peu juste et ma fille a dû manoeuvrer elle-même le lève-personne pour me faire entrer », raconte Gisèle. L'enjeu en valait la peine.

Au centre hospitalier de Flers, dans l'Orne, le projet du duo n'a pas vraiment étonné. « On n'a pas trouvé ça fou, mais courageux », apprécie Annick Lefeuvre, responsable du service d'hospitalisation à domicile, qui assure les soins de Gisèle Michot, depuis un an. Il y a chez ces deux femmes un air de famille qui dépasse les traits physiques. Une détermination à toute épreuve les fait tenir. Le corps de Gisèle, paralysé par la maladie, renferme un tempérament de battante. « Elle est restée enfermée dans ses murs, mais jamais dans sa tête », estime Annick Lefeuvre.

« Nous leur avons juste rappelé les précautions à prendre, pour la couverture santé. Pour le reste, c'est la fille de Mme Michot qui a tout géré », précise la cadre de santé. Jamais, Nathalie n'a baissé les bras. Même quand les infirmières libérales qui soignaient sa mère lui ont fait savoir qu'elles ne prendraient plus en charge sa pathologie, « trop lourde ». C'était en juillet 2007. « J'enseignais alors en Angleterre. Un jour, ma mère a essayé de se lever, seule. Elle est tombée et n'a pas pu quitter son lit pendant des mois. »

Nathalie a multiplié les appels et les courriers, auprès des structures médicales et des institutions locales. « Je ne voulais pas la voir aller en maison de retraite. Elle souhaite rester chez elle. » Gisèle appuie : « Ça fait quarante ans que je vis dans ma maison. C'est ici chez moi. » Nathalie voyait sa volonté malmenée, jusqu'au jour où « une assistante sociale m'a trouvé la solution de l'hospitalisation à domicile. Sans elle, nous n'en serions pas là. Je n'aurais jamais pu emmener ma mère en Espagne ».

Gisèle y restera deux mois et demi, jusqu'aux vacances scolaires de la Toussaint. « Ma mère revit. Elle a vu des tas de choses. On a visité l'exposition universelle, à Saragosse. On a mangé à la plage, hier. On fait les magasins. On a réussi, enfin ! », soupire Nathalie. Mais c'est à peine si l'une et l'autre savourent l'exploit. Gisèle s'est inquiétée de voir sa fille fatiguée par les heures passées sur la route. Et un nouveau tracas s'est mis en travers de leur route. À Alicante, Nathalie peine à trouver une infirmière pour s'occuper de sa mère malade.

Angélique CLÉRET.