Si vous la rencontrez, bizarrement parée
Traînant dans le ruisseau un talon déchaussé
et la tête et l’oeil bas, comme un pigeon blessé
ne crachez pas de juron ni d’ordure
au visage fardé de cette pauvre impure
que déesse Famine a, par un soir d’hiver
contrainte à relever ses jupons en plein air.
Cette bohème-là c’est mon bien, ma richesse
ma perle, mon bijou, ma reine, ma duchesse…
Avez-vous déjà entendu Georges Moustaki, ou Serge Reggiani, dire de leur voix légèrement voilée ces quelques mots en prélude à la chanson “La femme près de qui je dors…” (j’ai oublié le titre exact) ? Magnifique.
Pour une obscure raison, ils me revenaient en mémoire il y a quelques jours. Du coup, j’ai voulu me racheter ce disque, que j’écoutais en boucle au temps de ma jeunesse et des 33 tours. C’est ainsi que j’ai découvert qu’il ne s’agissait nullement de paroles signées des artistes ci-dessus mais… d’un poème de Charles Baudelaire. Amputé de toute sa première partie et d’un vers, “se faufilant au coin d’une rue égarée”, qui aurait dû figurer en ligne 2.
C’est curieux et un peu décevant : pourquoi n’avoir pas cité l’auteur ? Nulle part sur ce vieux disque n’est fait mention de Charles Baudelaire alors même que, pour Le Dormeur du val, prélude à la chanson de Vian “Monsieur le président, je vous fais une lettre…” Rimbaut est nommément cité.
Décevant, disais-je.