Magazine Journal intime

Chroniques d'Europe (26) - Les volets ouverts

Publié le 13 septembre 2008 par Audine

Fanny a rapporté d’une balade en vélo avec ceux de la Villa, une espèce de chat velours noir corbeau, d’environ 2 à 3 mois, les yeux soucoupe vert d’huître, dégingandé, des pattes allumettes, à l’arrière plus hautes que devant. Face à la Duchesse, il s’est hérissé et s’est mis à crachouiller des postillons ridicules, et elle, elle est partie d’un air dégoûté. Au dessus d’un bol de nourriture, il a poussé des cris de joie, commentant abondamment ce premier festin. Après, Le Voyou roucouleur a décidé d’arrêter sa croissance à l’adolescence, histoire d’être toujours aussi adorable et m’a adoptée comme mère de substitution.

A un portail d’échange, la Moniale a croisé un guerrier breton d’une guilde ennemie, accompagné par son ami, un nain rose, borgne et primaire. Le guerrier s’est mis en tête de séduire la Moniale. Un temps où lorsque deux guildes ennemies se rencontraient, elles s’entretuaient.

La Moniale s’est laissée séduire.

J’ai écrit le roman de la Moniale. Un roman de désespérance, de mai 68 avorté au monastère, de vicaire shooté, de sexe tabou, de mise au ban.

Pauvre Moniale, contestant les autorités religieuses, tentant de propager des techniques psychanalytiques, et maintenant amoureuse d’un guerrier ennemi.

Pendant deux mois, Nassim m’a raconté l’ambiance du cyber café où il travaillait au noir, et la perdition des joueurs addicts. Et aussi lui.

Tous les deux, aussi paumés existentiels. Largués. La Moniale avait des rendez vous secrets avec le guerrier et faisait son portrait au pastel pendant qu’il posait. Puis j’envoyais à Nassim le dessin dans un carton, sans même avoir entendu le son de sa voix.

Je poursuivais le destin de la Moniale par écrit, puis ai lancé des messages d’adieu, et la Moniale a disparu, partie on le suppose avec le guerrier.

C’est qu’un jour, Nassim et moi nous sommes rencontrés. Un cadeau de la vie.

Du jour au lendemain, tout a changé.

Les volets étaient fermés contre les reflets sur les écrans, les écrans allumés en permanence, pas de musique, juste le jeu, et puis rien d’autre qu’un autre monde.

Du jour au lendemain, tout le contraire. J’étais connectée ailleurs.

Aujourd’hui encore, il m’arrive d’avoir une nostalgie poignante, de celle qui tord les boyaux, pour ces mondes. Pour ces endroits, bizarrement, surtout.

Il y a huit ans maintenant, je rentre dans un cyber café pour la première fois en compagnie de Cadi.

Nous nous sommes fait expliquer comment se connecter sur Internet Relay Chat.

Il fallait trouver un pseudo. Cadi a choisi vite fait et s’impatientait. J’hésitais. Un blanc. D’un seul coup, pour moi, le choix du pseudo avait de l’importance.

Alors ? Qu’elle me dit. Ta grand-mère, par exemple, comment elle s’appelle ?

Odin, mais faudrait féminiser … que j’hasarde.

Bon, ça sera Audine qu’a dit Cadi.


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