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Atteindre l'éden

Publié le 13 septembre 2008 par Cameron

Elle tourne autour du mot sans parvenir à le prononcer. Elle ne sait pas comment le dire, celui-là, elle n’a jamais su, ou alors il y a longtemps, si longtemps qu’elle en a oublié la saveur, tout comme elle a perdu le goût de la parole haute bien avant d’en avoir épuisé les infinies variations. Mais ce n’est pas très grave, elle sait meubler. Dans un murmure continu, qui ne laisse place ni à la respiration ni aux questions.

Ce mot-là, il est pourtant quelque part, gisant silencieux de ses paroles vaines, pierre précieuse, si précieuse, autour de laquelle elle continue de creuser sans même le remarquer. Il est là, bien là, au milieu du rien.

Et j’écoute le torrent de ses propos pour m’accorder le droit au souvenir. Celui du temps où la seule quête digne de ce nom nous faisait chercher, et chercher encore, et croire que nous chercherions toujours, le mot ultime, la révélation du secret du langage inscrite de toute heure entre nos lignes, lignes de vie et d’écriture, ondulant inlassablement sur la même route. La même impasse. Etait-ce vraiment cela, en vérité ? Cela que nous voulions tant, cela qu’elle semble avoir aujourd’hui oublié ? Suis-je la seule à prêter encore l’oreille à ses paroles tandis que s’anéantit jour après jour toute illusion de l’intime enfin atteint, du cœur des choses enfin dénoué ?

Mais l’addition se suffit à elle-même. Oui, en fin de course, lorsque nous ne pourrons plus que nous regarder, muettes, de l’autre côté de la vie, il y aura toujours derrière nous l’accumulation de ses phrases à elle, ces petits riens tellement répétés et tellement détestés, qui seront comme le sillage infime du dialogue jamais paru à la surface, ou plutôt, noyé et gisant comme une épave entre nous, mort-né, mort d’avoir voulu naître. Et ce sera l’îlot de ceux qui nous suivront.

E ce sera une bien belle épitaphe pour notre tombeau.


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