Magazine Journal intime

Radio-Poubelle.

Publié le 13 septembre 2008 par Mélina Loupia
L'environnement, en ce moment, c'est hype, tendance, in the mood. Même que les enfants enseignent à leurs parents, parfois trop jeunes et élevés au pétrôle, comment bien être gentil et poli avec Mère Nature. Il a compris qu'avec une Gold MasterCard, on peut ruiner papa, le bâcher pour l'hiver, mais le rendre plus écolo, le daron. Soit, c'est très bien d'être propre sur soi et en dehors de soi. C'est comme les poubelles tiens. Parlons-en des poubelles. Alors qu'en Italie, ce sont les rats qui s'occupent de trier les déchets des Tifosi, chez nous, dans notre France profonde, on commence enfin à comprendre que le tri, c'est bon pour la planète. C'est pas forcément idéal en matière d'emploi toutefois. On NOUS demande de tirer nous-même nos déchets avec NOS impôts sur les ordures ménagères. En gros, on travaille sans être payés. Et c'est cautionné par le Fisc. C'est du propre. Et si jamais, on se fait prendre la main dans le sac, à pas mettre le carton dans le container prévu à cet effet, ou à jeter nonchalamment un sac mal fermé contenant la vinaigrette et le bourguignon de midi qui va pourrir le fond de la poubelle municipale, on se fait marquer au fer rouge comme un voyou. "Tout de même, tu te rends pas compte, déjà que les éboueurs, ils ont pas un métier facile, si tu leur facilites pas la tâche, tu m'étonnes qu'il y ait des grèves. -En même temps, t'as déjà vu des éboueurs en grève toi? -..." C'est vrai, une grève de ce secteur de la fonction publique n'est ni médiatisée, ni courante. On se demande bien pourquoi, dans la mesure où on est pas franchement les champions d'Europe en matière d'ordures ménagères propres. J'ai peut-être trouvé un élément de réponse hier matin, alors qu'à ma fenêtre, je fumais une cigarette, en prenant soin de jeter mon mégot à l'abri des regards et des crânes indiscrets. Je vois arriver, comme toutes les semaines à la même heure, le gros camion blanc rutilant, avec deux passagers clandestins accrochés à l'arrière. Deux Village People payés par le peuple. Expérimentés, et ayant une confiance aveugle en leur chauffeur, ceux-ci sautent en marche et se dirigent vers les containers enflés de merde citoyennes. Avant que le conducteur n'enclenche la marche-arrière matérialisée par le fameux bip de recul qui a tendance à réveiller et mettre de bonne humeur les noctambules, insomniaques ou feignasses de la rue, le duo ganté et fluorescent a déjà fait vomir les poubelles dans le camion. Tout le monde soupire de soulagement et je m'apprête à refermer la fenêtre lorsque je constate que le véhicule ne dégage pas la voie et s'immobilise en plein milieu, collé à la terrasse d'un café. Laquelle se voit peuplée des préposés aux ordures qui sautent la balustrade, se dégantent et s'installent à une table avant de commander un bon demi bien frais alors qu'il ne fait pas plus de douze degrés dehors et qu'un petit vent bien glacial annonce qu'il serait temps qu'on comprenne que l'été, c'est pour l'an prochain. De plus, la benne compacteuse est à vide, la tournée en est donc à ses débuts et les efforts ne sont pas encore lisibles sur les visages et les tenues de "travail". Ils se sont attardés à siroter le petit alcool qui passe tout seul et qui désaltère même déjà bien hydraté une bonne dizaine de minutes avant de reprendre leur labeur harassant. "Je le crois pas, sérieux, mais ils le font exprès? -Bah plus c'est gros, plus ça passe. -Combien d'infractions là? -Ils bouchent la rue, ils picolent pendant le service et prennent du retard sur l'enlèvement. -Tu en as oublié une. -Ah? -Oui, ils sont fonctionnaires. -Non mais sérieux, on nous foutrait presque en prison pour pas respecter le tri et l'environnement, et eux, ils avalent leur demi devant tout le monde, et on doit trouver ça normal? Tain, tu m'étonnes qu'ils fassent jamais grève."

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