Oui, je sais ! Y’avait le Pape ! Mais le Pape c’est limite dépassé ! Puisqu’il est mort ! Bah oui ! Le Pape c’est mort ! Y’a qu’à voir : même sur le site du Figaro ils en font un pavé aujourd’hui sur le vingtième anniversaire de la disparition de Pierre Desproges ! Vous vous rendez compte ! Bon, bien sur le Pape est mort mais il présente mieux que le précédent qui avait très mauvaise mine surtout à la fin. Qui fut longue à venir … Les autorités concernées sont de plus en plus habiles à nous proposer des cadavres tout à fait présentables. D’ailleurs j’ai aperçu sur un bout de télé qui trainait dans le hall de chez mon employeur actuel, pendant la réception aux Bernardins, la momie de Giscard qui avait l’air assez pimpante !
Mais outre les contorsions sarkozo-papouesques pour essayer encore, comme toujours, de faire prendre au peuple les vessies de l’incontinence financière pour des lanternes divines de la grande bourse céleste, on eut été en peine d’attendre grand-chose de la promenade de Monsieur Toutblanc dans ce beau pays qui servit à la renaissance à cet aphorisme : « Heureux comme Dieu en France ! »
Et, finalement dans un registre par si différent, attaquons-nous à Koons !!!
S’il n’y avait eu que ces affiches qui signalent, dans le métro parisien, l’évènement interplanétaire que constitue l’exposition d’une collection de bitoniots prétentieux usinés dans les ateliers du ci-devant Monsieur Jeff Koons, sous les ors classiques du palais de Versailles, cela me fut sans doute passé au dessus, au dessous, à côté, de l’autre côté, mais autrement dit, à la mode de notre ancien chef de l’Etat, cela m’en eut touché une sans réveiller l’autre.
Je me serais dit, tiens, encore un refoulé des divans que sa maman a dû convaincre très tôt que son zizi était le plus joli zizi du monde, et qui donc tente de le démontrer en se parfumant de créer des hybrides péniens de sa suffisance pathologique. Et comme tout seul ça ne marche pas toujours aussi facilement, on s’accoquine avec du monument historique dument estampillé patrimoine national, pour favoriser la notoriété de son petit patronyme de bricoleur niveau touche-pipi.
Jusque là, rien que de très ordinaire …
But, but, but …
Voila-t-il pas que dans le numéro du mois d’août du toujours excellent Monde Diplomatique, je découvre un article fort long, et comme d’habitude sérieusement référencé, intitulé : « L’art (contemporain) de bâtir des fortunes avec du vent. »
En doutais-je ? Pas vraiment. Surtout qu’entre les déploiements de moyens pour nous en vendre, du contemporain, comme si notre survie en dépendait, et les fortunes pas anodines de tel Pinault et consort qui investissent dans l’acquisition de la moindre biroute sinistrée autant que nécessiterait le maintien de combien d’emplois dans combien d’entreprises, on pense bien qu’on est entre gens qui s’y connaissent : en art et en beauté, sûrement pas ; mais en communication et en savoir faire savoir, ça, oui. Et plutôt deux fois qu’une. Y’a intérêt d’ailleurs, car ce qu’avance clairement l’auteur de l’article en question, Monsieur Philippe Pataud Célérier, c’est qu’on est parvenu à un stade de cotation de l’art qui ne dépend plus du tout de critères esthétiques, d’un sens du beau, d’un discours de l’œuvre destinée à permettre de s’enrichir l’âme en regardant, en contemplant ; non, cela ne dépend plus que de la façon dont l’ « artiste » va assurer, dans les cercles qu’il doit fréquenter, une communication dont on appréciera qu’elle soit teintée d’un vague scandale, d’une visibilité « people », d’une ambition subversive, à condition que celle-ci soit dans le même temps frelatée mais frappante.
Et de citer, justement, à propos du sieur Koons, ce fameux « cœur rose avec ruban doré », autrement nommé « The Hanging Heart ». Mis aux enchères chez Sotheby’s, on ne lésinait pas sur l’article, en vantant le travail des ouvriers de l’ « artiste », les milliers d’heures consacrées à cette pièce. Critères artistiques insuffisant, la publicité fait néanmoins monter les prix. La chose est adjugée à 16 millions d’euros et l’argument suprême, pour valider cette valorisation factice, vient à la fin : « S’il n’y avait rien pensez-vous réellement qu’un collectionneur aurait payé ce prix-là ? » Mais bien sur !! Et comment ! Quand la communication fait à sa place le travail du créateur, il suffit ensuite de faire croire. Ce qui permet dans presque tous les cas de fixer un prix qui donnera artificiellement à l’ « œuvre », une valeur que rien d’autre ne lui aurait accordé, en tout cas dans de pareilles proportions !
Pour racoler les médias on ne compte plus les provocations, grossières, et peut-être en fin de compte moins détachées qu’on ne pourrait le croire de leur objectif : Monsieur Damien Hirst, très en cour dans ce milieu d’affairistes, qui expose une tête de vache en décomposition. Un autre, Monsieur Chris Ofili, exhibe une vierge couverte d’étrons … On mesure le niveau de la transgression !! Le système n’a qu’à bien se tenir avec des rebelles de cet acabit !
Monsieur Hirst a vendu début 2007 une armoire à pharmacie remplie de pilules : Lullaby Winter : c’est son petit nom : 5 millions d’euros. Quelques semaines plus tard, les saisons passent, c’est autour de Lullaby Spring : 13 millions d’euros !!
L’article mentionne pertinemment la rencontre de cet « artiste » avec un certain Monsieur Saatchi, de chez Saatchi&Saatchi. Un marchand de pub très performant. Le savoir faire des deux compères, qui on l’a compris ne s’encombrent guère d’illuminations Michel-Angiennes, ni d’inspirations Turneristes, va permettre au CA, (Chiffre d’Affaire), de Hirst de grimper de … 1039%. (A vos souhaits …)
On passe sur les importants collectionneurs qui sont en même temps administrateurs ou coadministrateurs de musée, et autre sieur Pinault, propriétaire de Christie’s : ça aide à bien s’entendre entre larrons.
Et que Monsieur Jean-Jacques Aillagon, ci-devant administrateur en chef de Versailles, qui invite Koons à ridiculiser ses fastes, soit un ancien employé du sieur Pinault grand collectionneur de Koonseries, ne nous échappe pas …
L’art dans tout ça : on va vous dire : voyez ces formes merveilleuses que Jeff Koons propose à nos imaginaires infantiles … Et donc ??... Ben rien … Justement … Rien : vide de tout ce qui est censé produire ce que l’art produit, c'est-à-dire un transport aller et retour de soi au travers d’un message qui nous modifie, nous bouscule, nous change, nous altère. Là, c’est dodo et on vient vous border avant que vous vous endormiez.
L’insipidité élevée en valeur boursière.
Perdez un peu de temps à lire cet article.
L’art contemporain, ni le vrai, ni le faux, ne mérite qu’on ignore cette supercherie.
(Et tout de même, germe en moi, le doux babil d’une question : et ma Grande Chaîne des Touillettes, ça pourrait valoir combien ??)