Or, celui qui a fait l'expérience de cet amour, même s'il se trouve exposé à
une infinité d'outrages et d'offenses (car il arrive encore que celui qui doit
s'exercer subisse ce genre de choses), il ne s'emporte pas contre leurs
auteurs, mais il reste comme collé à l'âme de ceux qui l'ont outragé ou
offensé. S'il s'enflamme, c'est seulement contre ceux qui s'attaquent aux
pauvres, ou comme le dit l'Écriture, profèrent l'iniquité contre Dieu
(Ps 74, 6), ou qui se conduisent mal dans quelque domaine de leur vie.
En effet, celui qui aime Dieu plus que lui-même, ou plutôt qui a cessé de
s'aimer lui-même pour ne plus aimer que Dieu, ne recherche plus son propre
honneur, mais son seul désir est que soit honorée la justice de Celui qui l'a
honoré d'un honneur éternel. Il ne s'agit plus là d'une volonté médiocre, mais
il garde ce désir comme une disposition habituelle, à cause de sa grande
expérience de la charité de Dieu. En outre, il faut savoir que celui qui est
amené par Dieu à un tel degré d'amour, se trouve élevé au-dessus de la foi, au
moment où l'action divine opère en lui. Car il possède dans le sens du cœur,
par cette grande charité, Celui qu'il honorait par sa foi. C'est ce que nous
révèle clairement le saint apôtre en disant Maintenant donc demeurent la
foi, l'espérance, la charité mais la plus grande des trois, c'est la
charité (1 Co 13,13). Car, celui qui possède Dieu dans la richesse
de l'amour, comme je l'ai dit, dépasse sa propre foi, étant passé tout entier
dans son désir.
Saint Diadoque de Photicé : Les propos
ascétiques. Cent chapitres.