Tic tac, tic tac, la pendule égrène les minutes. Quelle sera sa tactique avec Hélène ? Elle est là, devant lui, délicieuse, un bonbon sucré dans sa robe rouge, si frêle, si absente. Ne peut-il être aimé à première vue ? Il pense toujours à elle en écoutant Rêverie de Schumann. Fraîche, délicate, elle s'installe dans le fauteuil blanc, ses jambes se croisent et se décroisent, pendant que ses yeux interrogateurs se posent sur lui. Que va-t-il lui dire ? Le moins possible ? Enfant, déjà, il ne parlait pas, il assistait aux conversations, muet, enfermé dans son bégaiement. Il se souvient de cette litanie de petites vexations remâchées depuis 20 ans. Mais il y a Hélène et sa robe rouge, si lisse, si tendre qu’il voudrait l’effeuiller pour découvrir le cœur de son corps. Rêverie de Schumann… Hélène n'est-elle qu'un rêve ?
Il revoit sa mère sagement assise au piano, sur le tabouret vernis. La seule qui ne lui reprochait rien. Elle lui souriait toujours avant de jouer, puis elle posait son regard doux sur le clavier qu'elle semblait caresser. Quand elle ne jouait plus, son sourire disparaissait et ses yeux reflétaient déserts et solitudes. Son bégaiement est-il une fatalité ? Sa vie elle-même est-elle une fatalité ? Hélène regarde moi, devine-moi Hélène, je suis à toi Hélène, j’ai besoin de toi Hélène. Il doit le lui dire, maintenant. Il le faut, trois mots simples « Je t’aime » que ses lèvres n’ont jamais su former.
* photo vue sur le blog : http://www.pendulantic.com