Edwige

Publié le 19 septembre 2008 par Valabregue

Le discours d'un vieux monsieur m'a bouleversé.

Un vieux monsieur dans le cadre du colloque "Culture psychiatrique et culture judiciaire: relire Michel Foucault" qui a eu lieu à La Villette (les 15 septembre et16 septembre 2008) et lors duquel se sont succédés moult juristes, psychiatres, analystes, associations d'"usagers" de la psychiatrie (et même associations de victimes) pour montrer combien la pensée de Foucault est d'actualité aujourd'hui, sur les thèmes de l'histoire de la folie, de l'irresponsabilité, de la dangerosité...

Mais le vieux monsieur, lui, a lu attentivement et passionnément un texte de 1978 inconnu de moi, texte d'une conférence sur "L'évolution de la notion d'individu dangereux". Pendant une heure, il s'est attaché à montrer point par point en quoi ce texte est prophétique quant à tout ce qui traverse le corps social actuel, qui hante le politique (loi sur la rétention de sureté, sur le non-lieu...), et qui bouleverse les fondements même de notre justice: il ne s'agit plus de juger des individus responsables (ou cause de) de ce qu'il ont fait, mais de mettre des individus hors circuit sous le vocable d'"individus dangereux" en fonction de ce qu'ils sont supposés être ou de la façon dont on pense qu'ils vont se conduire.

Et le vieux monsieur de marteler, devant une foule imposante complètement sidérée, les phrases de Foucault: "C'est insidieusement, lentement et comme par en bas et par fragments que s'organise une pénalité de ce que l'on est [...] peut-être pressent-on ce qu'il y aurait de redoutable à autoriser le droit à intervenir sur les individus en raison de ce qu'ils sont : une terrible société pourrait sortir de là" (Dits et écrits III, p.464).

Et de finir en disant que résister à cette prophétie sera, après bien d'autres, son ultime combat.

Le vieux monsieur est un grand homme : il s'appelle Robert Badinter.

Alain Liegeon

NDLR : pour lire une critique percutante de cette tentative délirante : Jean Pierre Rosenczveig