Il fallait bien en parler aussi. Aussi... Il faut en parler. Puisqu’elle fait partie des femmes de ma vie : Marguerite Duras. Puisque j’ai lu. Lu jusqu’à l’abîme certains jours. Lu jusqu'au plus enfoui creux du ventre. Lu à perte de vue. A perte de sens, quelquefois.
Difficile. D’abord difficile. La première fois, dans un train, je m’en souviens : « Le Ravissement de Lol V. Stein ». Abandonné. Puis repris un peu plus tard. Et abandonné de nouveau. Et repris encore une fois. Et plus lâché.
Une prof géniale à la fac, ensuite, lorsque j’ai recommencé des études. « Un barrage contre le Pacifique ». Et d’autres livres. Plein. « Moderato cantabile ». « L’Amant ». « La douleur ». « Un été 80 ». « Outside ». « Dix heure te demi du soir en été ». « Hiroshima mon amour ». « L’Amante anglaise ». « Détruire, dit-elle ». « Les yeux bleus, cheveux noirs ». « L’Homme assis dans le couloir ». « Agatha ». « La pluie d’été ». « India song ». « Le marin de Gibraltar ». « Ecrire ». Etc…
Pas tout lu. Parce que je pense que c’est une œuvre qui s’étend au delà de ce qu’est une œuvre. Sans limite. Qu’il y a toujours quelque chose qu’on a pas lu, y compris dans qu’on a lu. On peut dire c’est souvent le cas pour tous les auteurs. Oui. Mais ça l’est davantage pour Duras. Alors il faut relire.
Mais à coup sur c’est l’écrivain dont j’ai lu le plus d’ouvrages. Sans jamais éprouvé de lassitude. Du fait sans doute de la musique. La fameuse musique de Duras. Parce que j’aime la musique. Vraiment. Ce qui fait que contrairement à la mode qui consiste à en entendre tout le temps, je n’ai pas besoin d’en entendre tout le temps. Parce que je l’aime vraiment. Et que donc j’ai besoin de silence. Comme du lent reflux du corps après l’amour fait.
Comme de cette tendre dérive qui produit la séparation d’avec le corps de l’autre. Son corps à soi en même temps vide et rempli.
C’est ça également Duras. Une musique et une sensualité dans cette musique.
Je voulais choisir de l’écrit pour illustrer cet article, et puis j’ ai déniché cette vidéo : « Les mains négatives » : une poésie. Une marée. Une danse, sûrement.
La première fois que j’ai lu ce texte je me suis souvenu d’un des plus grands moments de stupeur et de perplexité de mon adolescence. Nous étions allés visiter des grottes dans les Pyrénées. Les grottes de Gargas. La particularité de ces grottes et d’avoir leurs parois couvertes de pochoirs de mains. Contrairement aux « Mains négatives » de Marguerite Duras, celles-ci sont de tailles différentes, et il manque des phalanges. Cependant, dans un cas comme dans l’autre, on se perd en conjectures à leur sujet. Il n’a jamais été possible d’avancer la moindre explication tangible à la présence de ses mains peintes, il y tant de milliers d’années, dans ces cavernes.
Donc vidéo : « Les mains négatives » : c’est un texte magnifique : quitte à ce que cela paraisse too much, et ainsi que Duras l’écrit au début d’un livre, je ne me souviens plus lequel : « Apprenez à lire, ce sont des textes sacrés. », apprenez à écouter :
Ville déserte, archet du souffle sur une corde cardiaque.
Marguerite Duras - Les mains négatives
envoyé par Iconographe