Les cendres d'Angela

Publié le 22 septembre 2008 par Willb77

Peut-on rire de tout ?

La réponse est oui en ce qui concerne ce roman de Frank McCourt qui nous offre une autobiographique exceptionnelle.

Dans ces années mouvementées de l’entre-deux guerres, grandit Frankie Mac Court. Son existence est lestée par le poids de la pauvreté et même si un mélange de piété et de débrouillardise lui évite de terminer dans les rues sales et nauséabondes de cette Irlande en soif d’indépendance, Frankie grandit.

Le catholicisme est omniprésent dans toutes les pages. Un catholicisme protocolaire et à plusieurs vitesses. D’un côté, les prolétaires qui s’y accrochent comme à un espoir de survie et de l’autre les bourgeois qui s’en parent comme un habit de lumière.

La couverture du livre est austère. Un enfant boudeur et buté fixe l’objectif en signe évident d’effronterie. Le noir et blanc met tout de suite dans l’ambiance mais n’est finalement pas approprié. En effet, le parcours chaotique et cahoteux de notre jeune irlandais est haut en couleurs chatoyantes.

Les souvenirs de l’auteur nous transportent littéralement dans les pérégrinations de cette famille de 5, puis 3, puis 4, puis 5 enfants au gré des facéties du destin et des évènements parfois mortels.

Pour autant, ce quotidien est dépeint avec une innocence propre à l’enfance, une idée simple du bonheur. Les enfants sont ainsi flexibles et accommodants. Ils acceptent et adaptent leur vision de la réalité se façonnant un prisme positif qui se nomme « imaginaire ».Ainsi, dans le froid de l’hiver, Frank et ses frères trouvent du réconfort en se laissant bercer par des récits patriotiques de héros contés par un père alcoolique mais vertueux tout en grignotant du pain grillé et sirotant du thé.

Frank rêve d’Amérique. Une Amérique fascinante, un havre de paix et de distractions, de bien-être et de richesses faciles.

Et le rêve devient réalité après une lente ascension guidée par un désir ardent de réussite.

Les thèmes de ce roman : l’argent, la misère, la maladie, le bonheur, la littérature, la religion, l’amitié, l’enfance puis l’adolescence, la maturité sexuelle, l’Amérique à travers sa culture cinématographique, l’école, la famille, l’alcool, la mort.

Enlever le thème de l’Amérique et nous sommes presque dans un roman de l’illustre Emile Zola (l’assommoir).

En mieux…

Oui en mieux pour une raison simple, le vocabulaire est moins alambiqué et les descriptions moins précises. Ainsi notre imagination peut elle aussi vagabonder et chacun peut s’approprier le vécu de Frank Mc Court. Malin.

J’évoquais l’innocence qui empreint la narration. Le flux de mots qui se déversent est le fidèle reflet de paroles proférées par un gamin éveillé. Au début, les phrases sont candides, le ton est interrogatif face à une dure réalité et des us d’adultes pitoyables.

Ainsi, la gravité de l’alcoolisme est traitée à travers une perspective prosaïque et pratique. « Papa dilapide l’argent au bar tandis que nous crevons la dalle et que maman ne quitte plus le lit dans une pièce que n’a plus été chauffée depuis longtemps, faute de charbon »

Le ton s’affermit au fur et mesure de la croissance et de l’apprentissage de cette dure réalité.

Mais une sorte de force le galvanise. Frank Mac Court est porté par ses rêves. Ils sont attisés par la combustion du plus noble des bois : la littérature.

Le bouillon mijote embaumant le récit d’un fumet mirifique.

Frank lit et dévore des lignes et des lignes de littérature. C’est son échappatoire, une bouée de quiétude pour la survie de cette intelligence qui se caractérise d’une manière fort inattendue.

L’humour.

L’humour est omniprésent du début à la fin. Et c’est finalement lui qui sublime ce roman. L’humour de situations cocasses, l’humour de paroles burlesques et de vannes enjouées. L’humour qui colore un monde terne tronquant le noir et blanc pour un arc-en-ciel brillant. L’humour porté par l’imagination, elle-même servi par la littérature.

Résumé :
Un excellent roman autobiographique. Une alchimie qui fonctionne et vous happe dans un maelström d’émotions.

Certains écrits sont des bulles de téléportation. Telle une machine à remonter le temps chère à H.G. Wells, l’Irlande prolétaire n’aura plus de secret pour vous.

Je vous garantis une plongée revigorante au côté de cet Oliver Twist moderne.

Et une lueur d’espoir pour tous.

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