Dans un récent bout d’époque, je montais une rue à nom d’oiseau au centre de la Ville Rose pour acheter le Matricule des Anges. Je franchissais la porte d’une librairie tenue par des frères et Guichard, Fabre, Holder, Salvaing ou Serada ressortaient avec moi. A présent dans le village gascon où je plante mon premier potager d’ancienne citadine, c’est le facteur qui les amène tous sur le porte-bagages de sa mobylette.
Grâce à Thierry Guichard j’ai découvert Rick Bass que par la suite j’ai eu la chance de rencontrer. Il a raison, le recueil Platte River est majeur.
Eric Holder est un des rares écrivains que je relis. Son Anachronique tourne les pages d’un herbier mâtiné de cabinet de curiosités. Du moins pour celui qui ne lit pas, où seulement les meilleures ventes. Où encore pour cet autre, otage de sa télévision et victime du syndrome de Stockholm.
Car Holder parle de campagne et de voisinage. Et l’otage stupéfait découvre que la province française n’a pas le visage maquillé d’une voiture volée exhibé chez Pernaut. L’abonné au hit-parade des revues littéraires apprend qu’un voisin ne se regarde pas forcément au fond de sa culotte ni ne tire à la carabine autour d’un droit de passage. Ils seraient prêts à se demander si certains médias ne dressent pas dans notre direction un majeur dressé et bagué du cabochon en toc d’une fille de joie, mais leurs shoots d’adrénaline sont savamment dosés, le sevrage est si douloureux…
Dans le n°91 de mars 2008, je découvre Un copain en or aux mains cultivées, grâce à qui moi non plus
« je n’ai pas éprouvé la peur du manque cette année. […] Un copain m’a protégé. Je trouvais extraordinaire, au début, la coïncidence qui l’amenait […] avec une remorque pleine de silles […] le lendemain où j’avais épuisé le bûcher. […]
Qu’il montre comment manier le grattoir, les sensations en plus : […] le froid de la pointe du jour, l’onctuosité de la peau chaude sous la paume. […]
A quoi servent les livres ? A se trouver là, ensemble, échangeant des jurons, les habits fumant. A goûter à d’autres existences. »
Dans le n° 86 de sept 2007, j’aurais voulu être son Amie lointaine et avoir l’âge des grands-mères. Je lui ai dit en le croisant au Festival de la nouvelle à Lauzerte que j’attache de l’importance au style, au regard d’un auteur plutôt qu’à l’histoire qu’il raconte car enfin nous vivons tous à peu près les mêmes.
Comment appeler autrement qu’écrivain un homme qui rédige un tel incipit ?
« Le déclin de l’été rompt avec l’accord passé avec une bande chats. Les portes et les fenêtres sont désormais fermées. Au petit jour, dans le froid qui pinçouille […] ils arrivent du Nord, du Sud, leur queue dressée en point d’interrogation, miaulent en clouant à grands coups le reproche dans l’âme, depuis les granges où ils ont trouvé asile. »
Et plus loin : « Que regarde-t-elle ? Moi, c’est l’ombre noire ramassée aux pieds des tomates. L’éclat orange d’Arcturus cloué dans la nuit de Haute Provence. »
Merci Eric pour ce b’Holder.