Moi : Regarde ce que j’ai retrouvé !
Mon Frère : Wouaw, mais tu sais que ça vaut une fortune !?
Moi : Ouais je me doute bien…
Mon Frère : Mais c’est con, on a perdu la plaquette des piles…
Les jours sont désormais plus courts que les nuits et la lumière vers dix-neuf heures est maintenant bleue mauve. Il y a ces mois où tout s’arrête, où les choses stagnent, ces mois que tout le monde déteste et que moi j’adore. Marcher dans les rues de Bruxelles à ces instants est unique. Je sais pertinemment que ma musique va trop fort, je sais qu’elle me détruit les oreilles, autant que les gaz de la ville m’empoisonnent, mais je m’en balance.
Je ne sais pas trop à quoi je pense à ce moment, entre deux feux rouges, devant quatre ou huit phares qui passent et s’entrecroisent. Ce sont des choses étranges, des projets qui n’aboutiront probablement jamais, des ambitions et le rêve de voir un jour Little Computer People vivre hors de ce blog. Mais dans mon esprit, les choses deviennent glauques, limite sales. Les personnages se transforment, peut-être parce qu’il devraient être plus proches de mon monde à moi, plus éloigné de cet Eden que j’ai bâti autours d’une société d’électricité. J’ai les premières phrases cyniques qui pourraient faire une bonne nouvelle, peut-être même un roman vendable. J’ai la vision, l’ébauche d’un scénario dont pourrait naître un bon court métrage. Je m’en persuade le temps d’une escapade, dans les rues de cette ville que beaucoup de gens détestent et que moi j’adore.
Ça durera quelques dizaines de minutes, le temps de quelques musiques, celles que j’écoute inlassablement, aux mêmes moments, avec les mêmes sentiments. Je croise des gens. je les regarde mais eux m’ignorent. C’est aussi ça vivre en ville. J’ai ces vagues qui viennes et s’en vont, de plus en plus rapidement. Je suis à la fois triste, heureux, fier et honteux. Je n’attends rien d’autre que l’explosion mais elle ne viendra pas ce soir, ni les soirs suivants. Je suis retenu par cette morale qui me fait tout contenir. Je digère, j’élimine, les sentiments, les ressentiments, les douleurs et les lames qui pourtant m’écorchent. Je passe en plein milieu du quartier gay sans rien en attendre. je m’arrête devant la vitrine d’une boutique vintage dont l’étalage est rempli d’objets qui me ramènent des années en arrières… Il est dix-neuf heures et nous sommes en dix-neuf cent quatre-vingt neuf. Ce jour-là était lui aussi plus court que la nuit qui le suivit et le ciel prenait des teintes bleues mauves. Je suis allongé sur mon lit et je joue à ces jeux électroniques monochromes qui s’appelaient “Game & Watch”. Le son qu’ils émettent est insupportable mais il m’amuse car il accélère en même temps que mon score augmente. J’ai ces mouvements des deux pouces qui me feront jouer pendant des années encore. Ces pouces je les bouge instinctivement à la vue de ces objet désormais rares, devant cette vitrine, presque vingt ans plus tard. Entre deux fripes, le vendeur me voit et me sourit. Je me dis que ma nostalgie doit le toucher. J’aurais envie de le féliciter pour son étalage, de lui dire que l’idée de mettre ces Game & Watch sous les vêtements est sensationnelle et que son coup est grandement réussi. Mais je m’arrête un instant sur son sourire, je l’analyse et je le comprends. Je ne suis pas dans ce monde que j’ai créé autours d’une société d’électricité. La nostalgie ici est un signe dépressif et personne ne voudrait le susciter, surtout pas. Ce n’est qu’un pédé qui me sourit et auquel je ne rendrai rien du tout, parce qu’il m’agace tout simplement.
J’ai ces moments où je crois encore, sous les coloris bleus mauves d’un soir d’automne. Je me persuade que j’ai des choses à vivre, malgré des envies étranges et mes idées noires. J’ai conscience de mes tendances à vouloir tout détruire, à oublier de dormir et à tout foutre en l’air. Souvent je me dis que les seules choses qui donnent aujourd’hui un sens à mon existence sont ces envies et la faible force que j’ai de ne pas les concrétiser.