Magazine Journal intime

Les humeurs d'Anaïs (22)

Publié le 02 septembre 2007 par Anaïs Valente

Levée à l’aube comme chaque dimanche, pour aller chercher mon 7Dimanche.  La boulangerie devrait enfin avoir rouvert ses portes et je vais m’offrir deux giga pains au chocolat ainsi qu’un gros gâteau pour tout à l’heure.  Vive les bombes caloriques, c’est dimanche (ceux qui ont, même furtivement, pensé que pour moi les bombes caloriques, c’est tous les jours… et bien, peuvent rester, car ils ont raison, glups).
J’arrive sur place et drame incommensurable : cette satanée boulangerie est encore fermée.  Titchu, c’est pire que les congés du bâtiment, les congés des boulangeries.
Second drame incommensurable : aucun 7Dimanche ne m’attend.  D’habitude je trouve deux grosse piles de journaux ligotés.  Ici rien.  Le néant absolu.  Zont été press-napés, mes 7Dimanche.  
Me vlà donc en route vers la boulangerie suivante, où je trouve enfin mes précieux journaux.  J’aurais retourné la terre entière (Namur) pour les trouver, j’aurais usé de mon fidèle destrier (du bus) pour aller les chercher au bout du monde (de ma rue), mes 7Dimanche.
Les humeurs d’Anaïs sont un peu particulières ce dimanche, car exceptionnellement, elles ne sont pas inédites.  Vu l’impact qu’a eu mon billet « Wallonieland, 29 août 2011 », j’ai souhaité le proposer à 7Dimanche pour qu’il soit publié.  Etant donné le ton très différent de celui adopté dans mes billets d’humeur habituels, étant donné le sujet abordé, un peu délicat, je craignais que la censure le refuse.  Il n’en fut pas ainsi.  Je remercie donc 7Dimanche, et en particulier mon « boss », d’avoir couché sur papier ma lettre Wallonieland, dans son intégralité, soit plus du double de mon quota dominical.  Pour ceux qui n’ont pas accès au 7Dimanche et qui n’ont pas lu mon billet du 29 août (comment ça !  Je vais me fâcher si vous ne lisez pas TOUS mes billets !  Y’en a trop ?  Je sais…), je vous le reproduis ci-dessous.  

Wallonieland, le 29 août 2011
Chère Elke,
Comment vas-tu depuis tout ce temps ?   J’espère que tu te portes bien, ainsi que Wim et les petits, qui doivent avoir bien grandi déjà.  Vous nous manquez, j’espère que tu le sais.  Je t’envoie quelques photos de nous, prises lors de notre séjour au Danemark, j’espère que la censure n’y trouvera pas à redire, aucun site de Wallonielande n’étant visible sur les clichés, je l’affirme sur l’honneur.
J’ai tenté à maintes reprises d’obtenir un passeport pour venir te voir en Vlaanderenland, en vain.  Je sais que je ne l’obtiendrai que lorsque je serai parvenue à décrocher le concours du bilinguisme.  Ne t’inquiète pas, je vais chaque semaine suivre mes cours, et d’ici cinq à six ans, je pense que je m’en sortirai suffisamment pour réussir.
On m’a dit que le mur avait été rehaussé, car cinq wallonielandais avaient tenté de le franchir, voulant montrer la mer du Nord à leurs enfants, paraît-il.  Quelle inconscience.  Ils ont été fusillés, pour l’exemple.  Dommage.  Mais ça fera cinq chômeurs de moins ici, doit-on dire chez vous, et puis je comprends que vous ne souhaitiez plus prendre de risque, surtout depuis que ce village près de la frontière a été incendié lorsque des wallonielandais ont projeté ces boules de feu par-dessus le mur après avoir ligoté les sentinelles.
Comment vont tes parents ?  As-tu pu avoir une dérogation pour leur rendre visite en Wallonieland, comme tu le souhaitais ?  Ou sont-ils parvenus à quitter la zone sans encombre pour retourner chez eux ?  Quelle malchance qu’ils aient été par là-bas durant l’érection du mur.  
Je continue à travailler en zone neutre, mais ce n’est pas facile, surtout avec les deux heures d’attente aux barrages chaque matin et chaque soir.  Les fouilles corporelles ne sont pas agréables non plus.  Depuis le temps, pas moyen de faire comprendre aux sentinelles que je ne tenterai plus d’emporter quoi que ce soit chez moi.  J’ai retenu la leçon depuis mon incarcération.
J’ai revu l’autre jour ce film sur cette famille allemande qui avait réussi à survoler le mur de Berlin au moyen d’une montgolfière.  Tu te souviens, nous l’avions vu ensemble.  Cela fait si longtemps.  Et cela nous avait semblé tellement irréel, tu te souviens ?  Cela m’a donné quelques idées, mais je n’en dirai pas plus, de crainte que la censure refuse de te transmettre cette lettre.
Je te joins quelques DVD français, ainsi que quelques Flair francophones, j’espère que tu auras le droit de les garder.  Si tu as des Flair néerlandophones, je serais ravie de les recevoir, je pense pouvoir les garder en arguant de mon souhait d’obtenir un passeport bilingue.
Nous partons demain en vacances à Dunkerke.  En souvenir du bon vieux temps, La Panne, Coxyde.  La mer du Nord, en France, n’a pas tout à fait la même saveur, mais tu sais que même par les dunes, il est impossible d’atteindre cette bonne vieille Belgique, oups ça m’a échappé, ce bon vieux ancienland.  La mer me manque tant, tu sais.  J’ai affiché cette photo que tu avais prise, elle me rappelle cette époque folle où nous y passions nos vacances, ensemble.
Tu trouveras en annexe, comme convenu par la législation, la traduction flamande de cette lettre.
Nous vous faisons de gros bisous et gardons espoir de vous revoir bientôt en chair et en os.
Anaïs, Zhom et petitsdhom.
PS : A l’occasion, envoie-nous quelques grains de sable bien de chez vous, enfin de chez nous, enfin je ne sais plus…
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