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Comment sais-tu tout cela

Publié le 25 septembre 2008 par Unepageparjour

Comment sais-tu tout cela ? Parvient à chuchoter Marc, tout doucement. Tu as tout deviné, tout compris, oui, Marie je t’…

Marie l’empêche de poursuivre, en posant un doigt sur ses lèvres à lui. Elle parle à sa place.

L’instinct, poursuit-elle, mon intuition féminine, ma compréhension du monde. Tu sais, j’ai beaucoup appris, en ces quelques mois passés dans ma vieille famille frioulane. J’ai appris à donner la vie, mais aussi à la comprendre, cette vie. Oui, j’ai compris que tu m’aimes. Ton cœur est grand et peux nous accueillir, Fleur et moi, ce soir. Demain matin, aussi, sans doute, et peut-être encore demain soir. Mais un jour viendra où ton âme conquérante aura soif de batailles. Tu es un combattant, Marc, et le sang du guerrier qui coule dans tes veines n’a pas encore chanté sous l’exaltation de la victoire. Tu quitteras cette école de marketing imposée par ton père. Tu iras voler de tes propres ailes, porté par ta volonté créatrice. Tu deviendras petit apprenti dans une cuisine modeste. Pour te faire la main. Tu y travailleras dur. Tu partiras avant l’aube, quand chantent encore les grands oiseaux de nuit. Tu reviendras bien après le crépuscule, quand dorment déjà les papillons de jour. Tu m’aimeras très fort, je le sais. Tu te dépenseras sans compter, pour ramener au ménage le nécessaire et l’abondance, pour Fleur et pour moi. Ta sueur se mêlera aux sauces que tu prépareras avec l’amour du métier. Puis de petits restaurants en grands palaces, tu franchiras les frontières, reconnu pour ta cuisine d’excellence, pour les parfums dont tu sauras si bien remplir les assiettes de tes convives, tu parcourras le monde et les télévisions, tu écriras des livres, tu collectionneras les étoiles, les toques et les fleurs, et tu nous reviendras, les bras chargés de trophées, illuminé de gloire. Mais aveuglé par l’or et l’argent des victoires, tu ne t’apercevras pas de notre étiolement, tu ne me verras pas mourir à petit feu, dévastée par les larmes de l’ennui, par le gouffre du vide que tu laisseras à mes pieds chaque jour en partant vaincre le monde. Tu ne verras que mon profil éclairé par ton enthousiasme, mais Fleur ne verra que ma face, sombre, grise, blafarde et notre pauvre petite fille se fanera à son tour, bien avant l’âge, perdant tous ses rêves d’enfance. Un jour, quand tes cheveux seront devenus blancs, ton regard s’ouvrira, mais il sera trop tard. Tu comprendras trop tard que l’amour que tu avais pour moi s’est diffus peu à peu dans l’ardeur de tes combats, que l’icône que tu portais sur ton cœur et qui  t’enhardissais au plus dur des bataille est devenue une pauvre image morte, moisie d’humidité, flétrie.

Alors, je pars, Marc. Avant qu’il ne soit de nouveau trop tard. Je m’en vais parcourir le monde. Visiter les montagnes. Rencontrer d’autres femmes de peuples éloignés. Vivre les pieds dans la terre. Pour que Fleur apprenne à son tour tous les chants de l’humanité. Et je reviendrai dans quinze ans, pour t’épouser.

Matthieu et Jean réapparaissent dans la nuit. Avec le tiramisu de Marie, posé avec délicatesse sur une soucoupe de porcelaine bleue. Et ils s’en vont, tous les cinq, au bord de l’Oise…

FIN DE L’HISTOIRE !


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