Magazine Journal intime

21 mars 2007 avec la C.I.P

Publié le 26 septembre 2008 par Ilfautlemouchc

Me voilà face à la Conseillère en Insertion Professionnelle pour que la mascarade du processus d'insertion se poursuive. Une petite parenthèse : cette C.I.P. ayant souhaité avoir l'adresse de mon blog va lire ce qu'il va suivre. Cette parenthèse est donc spécifiquement pour elle. Chère Madame, il est tout à fait possible que vous vous sentiez légèrement insultée par rapport à ce qui va être écrit concernant l'entretien que nous avons eu. Bien évidemment, l'anonymat est maintenu afin d'ôter tout souhait de m'accuser de diffamations à votre égard.

Je rappelle ici que, par ce blog, je ne mets en cause aucun individu en tant que personne. Son nom et son prénom n'a pas à être cité, puisque ce n'est pas la personne qui est à blâmer. Ce que je dénonce, ce sont les statuts derrière lesquels se cachent ces mêmes personnes, dissimulation, mascarade dont j'ai déjà décrit les effets comportementaux dans notamment, mon article où je reprends ce qui se passa lors de ma convocation exceptionnelle chez la psychologue du travail d'un Afpa. J'en déduisais, là, que les personnes, derrière ce statut, en souffraient nécessairement, mais devaient garder le silence ou se soulager dans des groupes d'autorégulation entre «psy», ou encore en consultant eux-mêmes, pour ne pas être amenés à remettre en question la légitimité de leur statut qui a, au fond, pour quasi unique bénéfice, une rémunération salariale, la possibilité à subvenir à leurs besoins fondamentaux.

Reprenons donc ce nouvel entretien auprès d'un professionnel du «je suis là pour t'aider»... , spécialité l'insertion professionnelle.

Maintenant, un avertissement pour les autres lecteurs : Certains propos qui furent tenus par cette personne seront de la même coloration discriminante que ceux relevés lors de ma convocation devant la Direction de l'Afpa. Préparez vos sacs à papier ou cuvette, et laissez-les à portée de bouche.

Commençons par le commencement. D'abord, son hypothèse à mon arrivée, affirmation lucide et totalement vraie : «Vous avez été orienté vers moi en rapport avec votre contrat d'insertion ?». Sa formulation me fut appréciable. Eh oui, j'ai été orienté vers elle, et je lui précise, par l'Assistante Sociale lors de mon contrat d'insertion. En clair, je n'ai pas eu le choix. Ce soulignement du terme «orienté» de ma part l'a peut être alertée à cet instant quant à ce que serait ma réelle demande.

«Est-ce à sa demande, ou à la demande de l'Assistante Sociale que sa présence à mon bureau se justifie ?» aurait-elle pu se dire?!!!

En tout cas, elle pose une autre question justement en rapport avec ma demande, demande devant d'habitude être celle, légitime quand on vient voir quelqu'un qui croit, se croit et s'y croit "expert" en insertion professionnelle :

«Vous êtes en recherche d'emplois, n'est-ce pas ?». Eh oui, toujours ce même mensonge lié au fait d'avoir ce statut de «demandeur d'emplois».

Petit rappel : Nous ne sommes pas demandeurs d'emplois, nous sommes demandeurs d'un revenu décent pour subvenir à nos besoins. Comme nous n'y avons pas droit, parce que pas suffisamment dignes pour cela, nous avons d'abord un devoir à accomplir, et ce devoir c'est un comportement d'insertion professionnelle. Ah oui, il y a une autre possibilité d'avoir un revenu sans devoir avoir un comportement tel que ce dernier : être déclaré médicalement inapte au travail, et par cela toucher l'A.A.H (Allocation pour Adultes Handicapés). Attention, le degré d'handicap doit être évalué à 80% ou plus pour justifier l'inaptitude. A part d'être quadriplégique ou avoir un handicap mental nous assimilant à un degré de débilité (terme existant en psychologie de l'enfance) trop élevé comme dans certains cas d'autisme, il faut se replier sur l'handicap psychique : maladies psychiatriques. Comme je n'en suis pas là, m'amusant à dire que je ne me suis pas encore fait attraper par un psychiatre, je suis physiquement, mentalement et psychiquement apte à remplir mon devoir d'insertion, et donc apte à mériter ce revenu substantiel qu'est le RMI.

Fin du Rappel.

Donc à sa question, je lui répond, bien évidemment «Non, je ne suis pas demandeur d'emplois».

Bien sûr là, beaucoup de présupposés, vous savez ces mêmes présupposés qui vous font vous sentir dans un certain état de sécurité et de protection, comme ce petit bonhomme vert à ce carrefour qui vous assurent que vous pouvez sereinement traverser la rue sans crainte d'être percuté par un véhicule à toute allure, et bien ces mêmes présupposés qui assuraient la C.I.P. d'être assise sur le bon siège, en train de remplir sa juste mission, mission justifiant son juste salaire, mission quasi routinière dans son petit bureau de fonctionnaire de la philanthropie rémunératrice, ces présupposés s'effondrent. Sa routine mission est stoppée par ma réponse inattendue.

Alors là, forcément, mettez-vous à sa place, un sentiment d'insécurité la traverse risquant de lui faire se dire la phrase qui faudrait pourtant qu'elle se dise pour son bien : «Mais à quoi je sers, ici ?». Non! Avant d'en arriver à ce funeste constat de son inutilité fondamentale, la formule de défense typique d'un mécanisme de défense dit "psychotique", la projection : «Je sais pourquoi je suis là, mais par contre, c'est lui qui n'est pas à sa place ici...».

Donc elle réagit à mon propos me présentant comme non demandeur d'emploi, en disant en gros que si je ne suis pas en recherche d'emplois, alors il n'y a pas de raisons à ce que je sois en face d'elle.

Quel douce naïveté !!

Alors j'enchaîne, me trouvant une fois de plus à rappeler en quoi consiste un contrat d'insertion, qui comme son nom l'indique (il y a quand même le mot «insertion» en haut du contrat, comme dans l'intitulé de son statut professionnel), à des clauses qui doivent être remplie: «C.A.F, donner revenu minimum d'insertion», «Moi, rencontrer C.I.P.». Le contrat d'insertion ne sert pas à avoir un boulot, il sert à avoir un revenu, du moment que je m'applique à en chercher un.

Voilà. Elle ne sert donc qu'à une chose : attester que je suis venu à son bureau. Voilà, la justification de son revenu... . Alors, semble-t-il pour se défendre, elle suppose que l'Assistante Sociale (A.S) a mal fait son travail et qu'il aurait fallu mettre autre chose sur ce contrat d'insertion que le fait de passer la voir.

Mais quoi d'autres ? J'ai environ, 30 ans, je suis en bonne santé, je reviens d'une formation professionnelle pour adultes, j'ai un C.V. très qualifiant, et je viens signer un contrat d'insertion. L'A.S a fait son boulot standard, face au statut standard que je me dois d'avoir, statut acquis en s'inscrivant au Assedic et en allant tous les mois pointer devant mon conseiller ANPE attitré pour ne pas être radié, le statut mensongé, rappelons-le, de «demandeur d'emplois».

La C.I.P semble entendre le fait qu'au-delà d'être ou ne pas être «demandeur d'emplois», je n'ai plus de revenus depuis janvier 2006 et par conséquent, le «comment je mange, comment je m'abrite, comment je vis» la sensibilise. Ayant consulté rapidement mon C.V, ma situation semble la séduire... , notamment dirait-on, mon BAC+ 4 en psycho, mon D.U en Sexologie et autres idioties diplômantes. Elle reste, tout de même, autistiquement branchée sur le fait que je n'ai plus besoin d'être inscrits aux Assedics et à l'ANPE si je ne recherche pas d'emploi. Donc je lui rappelle tout le nécessaire parcours afin d'avoir légitimement droit à un RMI, et que si je n'avais pas été inscrit à l'ANPE, le contrat d'insertion n'aurait pas été accepté.

Alors, peut-être rééclairée sur la réalité du monde de l'insertion par mon discours recadrant les choses, elle se demande comment je pourrais quand même m'en sortir. Je lui parle de ce que je fais auprès de mon grand-père, et que cette situation ne me permet pas de me projeter dans une insertion, puisqu'il a besoin que je sois là quasiment tout le temps. Je lui parle de l'APA (Allocations Pour Personnes Agées) qui est prévue, avec les 500 euros que je toucherais peut être par mois, que je suis a priori occupé à mi temps... . Entretemps, je glisse deux, trois mots de ce que je pense du métier de psychologue qui m'étais promis au vue de mon C.V. , que ce n'est pas mes études en Sciences Humaines qui m'ont appris à être humain et à décider de m'occuper de mon grand-père, qu'au contraire les études de psycho m'apprirent à évaluer les gens pour plus les enfermer.

Après ça, elle ne devait plus trop quoi savoir dire. Alors, elle aurait dû, à mon avis, s'excuser d'être là, travaillant et jouant le jeu de cette mascarade qui précarise et insécurise l'individu, s'excuser au nom de tout ça... et, tout envoyer balader... .

Ben non! S'accrochant à son rôle qu'elle croit utile tel un paraphrène s'accrochant à sa mission de diffuser la bonne parole, elle ne put s'empêcher de me proposer moultes services existant dans le bâtiment où elle exerce : psychologue, conseiller d'orientation... . Face à mon indifférence, elle me propose de penser à faire un boulot à mi temps, par exemple de l'accompagnement scolaire d'un enfant handicapé... ! C'est vrai que j'avais oublié de lui faire un chapitre sur ce que je pense aussi de l'école. Je lui rappelai donc que je devais quasiment tout le temps être au côté de mon grand-père. Comprenant enfin cela, elle renchérira sur ses propositions d'emplois à mi-temps, mais cette fois à domicile grâce à internet.

«Mais c'est à croire qu'elle ne sait pas ce que c'est que la précarité !!», me dis-je. Comment puis-je me permettre d'avoir internet, si je n'ai pas de revenus ne serait-ce que pour me nourrir et m'abriter... ? De plus, formatée aux principes néolibéraux, en dehors des 17h par semaine que m'occuperait mon grand-père, elle pense nécessairement que je ne fais rien d'autres d'intéressants et que par conséquent j'aurais du temps libre à remplir d'une activité rémunérée.

Les C.I.P sont, dirais-je, des chasseurs de temps libre. Dès qu'ils en repèrent, ils s'ingénient à y glisser un emploi possible, sans être à l'écoute de la demande de la personne en face d'eux. La seule demande qui fait marcher mécaniquement ces professionnels, c'est celle du marché du travail. Leur boulot à eux, c'est de se hâter à épingler un demandeur d'emploi disponible en fonction de la demande de ce marché. Du chiffre, du chiffre, du chiffre !!!!

Quoiqu'il en soit, durant mon temps libre, je ne suis pas désespérément debout, dans une pièce, attendant béat devant mon grand-père s'il souhaite quelque chose. Je fais des choses..., notamment, écrire pour mon blog. D'ailleurs, elle me demandera l'adresse de celui-ci.

Enfin, visiblement, ces propositions, ainsi que celle me demandant de garder mon C.V car le trouvant intéressant comme si elle en faisait la collection, tout cela donc me fait maintenant me dire après coup, qu'elle avait un petit peu perdu ses repères, ses présupposés.

L'entretien était un peu foireux vers la seconde partie de celui-ci. Je pense que la légitimité de sa position sur son siège devait être devenue bien fragilisée, car ça tournait limite vers une sorte de schizophrénie-professionnelle. Ca sentait franchement le morcellement du statut, justifié par cet espèce d'attachement quasi fétichiste sur mon C.V., disant que cela l'aiderait à mieux me connaître – mais je ne la reverrai jamais!!! -, attachement pouvant servir ici de dernier repère pour ne pas s'effondrer, de bouée pour ne pas se noyer. Cette attachement à ce C.V la fit avoir ce discours équivalent au Directeur et à l'Assistant Socio-Educatif de l'Afpa, eux aussi, obnubilés par mon Bac +4.

Elle dit qu'avec un C.V comme cela, il y a la preuve que j'ai acquis une bonne culture, et que j'ai manifestement eu les moyens de réfléchir sur des choses... . Eeeh oui, si tu es moins que Bac +4, tu ne réfléchis pas, ton cerveau, il ne fonctionne pas autant que celui qui a Bac +4. Pfff, quelle discrimination écoeurante ! En même temps, il faut la comprendre, le milieu de l'évaluation des compétences, notamment celles en savoir-être, juge les gens à partir de cette mascarade que sont les diplômes. Plus tu es diplômé, plus ton savoir-être est élevé. C'est de la discrimination me diriez-vous ? Oui, c'est classiquement du racisme. Mais, comme j'ai déjà pu le dire dans d'autres articles, ces professions de l'aide sont fondés sur le principe de normalisation de l'individu, soit du Racisme d'Etat. Je vous renvoie à Foucault si vous voulez, j'ai quelques synthèses de ses cours téléchargeables sur le blog.

Voilà pour cet entretien... .

J'en reviendrais, en conclusion, à la personne qu'il y a derrière ces statuts d'aidant-professionnel. Sans cesse derrière, cachées, ces personnes et leur véritablement identité sont, et ça ne fait plus de doute pour moi, très fortement fragilisées, voire en souffrance. Sans leur statut qui les aliène, ils perdent pied. Quelle tristesse ! Heureusement, si l'on peut dire, au prochain rendez-vous, elle reprendra ses marques auprès d'un autre soi-disant «demandeur d'emplois» qui lui, s'efforcera à ressembler à ce statut, l'aidant ainsi indirectement à la repositionner en "experte" en compétences, insertions et normalisations. Mais ce retour n'est qu'au fond qu'un renforcement de l'aliénation de la personne sans vie publique.

Si vous rencontrez ces gens-là! Rendez leur service, renvoyez-les à leur inutilité !


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