Magazine Humeur

De la marge à la ligne…

Publié le 02 octobre 2008 par Brunoh
Lundi 29 septembre : « Complément d’enquête », l’émission de France 2, présentée par Benoît Duquesne, est consacrée aux marginaux. Aux vrais. Je veux dire, à ceux qui ont choisi ce mode de vie hors des sentiers battus, au sens propre du terme.
Bien entendu, histoire de faire frémir dans les chaumières, le premier reportage est consacré à l’odieux assassin du petit Valentin et à sa compagne d’infortune. Après semblable mise en bouche, la pseudo-immersion d’un journaliste au sein d’un groupe de néo-punks ne risque pas d’inciter à la clémence ou à l’empathie. Autres temps, autres mœurs. Pendant que le grand banditisme de la finance internationale récolte les fruits amers de ses délires mégalomaniaques, les médias préfèrent nous faire trembler avec la marginalité du bas, celle des pauvres, de ceux qui n’ont pas voulu, pas su ou pas pu s’en sortir.
Et entre les deux, Monsieur tout le monde voit s’envoler d’autres fruits, ceux de son épargne, tandis qu’augmentent les taux d’intérêts de ses ex-futurs emprunts.
Les deux jours suivants, France 2 poursuit dans la marginalité, mais celle des faubourgs et des quartiers chics, en diffusant, en deux parties, l’excellent film de Diane Kurys. Sylvie Testud y interprète une Sagan plus vraie que nature : je n’ai pas compris la moitié des dialogues, comme lorsque, plus jeune, je voyais cette dame étrange, au débit de mitraillette, dans les émissions de Bernard Pivot.
Belle immersion dans le sujet.
En regardant ce film, je me suis dit que vivre à la marge avait décidément plus de chien avec de l’argent. Celle qui a transformé une grande partie de ses lignes d’écriture en lignes de coke, qui a bu et fumé le reste, roulé à toute allure dans des voitures de sport pour faire la course contre le temps, m’a finalement conforté dans une certitude.
Alors que mes convictions humanistes m’avaient jusque-là poussé à considérer l’acquis comme prééminent sur l’inné, je me rends compte que l’argent et le succès n’induisent pas systématiquement le bonheur. Que cette prédisposition à la marginalité peut toucher tous les milieux. Avec les mêmes inégalités entre ceux dont les excès apparaissent comme de sympathiques déviances d’artistes et les autres, ceux qu’on enferme dans des prisons avec l’espoir feint de les remettre « en ligne ».
Moi, le stoïcien à tendance voltairienne, l’admirateur de Spinoza, je me suis toujours demandé pourquoi les addictions m’avaient ainsi délicatement contourné.
Je ne juge pas, je ne crois plus que le talent s’attrape comme le virus du sida ou le cancer du poumon. Je reste un hypocondriaque éperdu, un travailleur acharné, et si je choisis d’affronter un jour mon issue fatale entouré de légumes bio plutôt que de relents d’alcool, je n’en conçois aucune honte.
Pourtant, je me dis que certaines personnes possèdent une sensibilité si extrême qu’elle doit leur rendre l’existence insupportable sans ces substances… substitutions éphémères, pour ceux qui ne peuvent affronter seuls la réalité brute.
Chacun ses goûts : j’ai choisi de mâcher des cailloux plutôt que de bouffer mes mots, de regarder le soleil en face et de relire « Bonjour Tristesse » sans farine au bord des narines.
Toutes les lignes n’ont pas forcément besoin de marge pour s’exprimer.

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