Il était étendu sur le lit et tournait les pages du catalogue du Vieux Campeur pendant qu’elle regardait son feuilleton quotidien à la télévision ; elle n’en ratait jamais aucun épisode.
Soudain elle cria.
- Arrête de tourner les pages, tu m’énerves.
Il continua comme si de rien n’était, trop occupé par son prochain achat : une tente igloo qui supporterait des températures de moins 20 degrés pour sa randonnée du mois de juin.
- Arrête avec ces pages je te dis !
Il leva les yeux de son catalogue et la regarda un instant. Elle était assise sur son fauteuil, la tête légèrement penchée, buvant les paroles de « héros » sclérosés, interprétés par des acteurs au jeu navrant. Il ne put s’empêcher de lui dire.
- Je me demande comment tu fais pour supporter cette daube tous les soirs ! Moi, ça me fait gerber, et pourtant, je n’ai pas fait d’études littéraires ! Ah toi, la randonnée, le camping, les grands espaces, la toundra, l’aventure avec un grand A… ça te passe au-dessus de la tête, tu préfères t’abrutir avec ce feuilleton à la con !… Parfois, je me demande pourquoi on vit ensemble !
Elle resta silencieuse. Elle n’allait pas gâcher la fin de son feuilleton pour lui dire son fait. Ses sarcasmes, elle allait les lui faire avaler un à un au moment de la publicité. Tiens, pour commencer, elle lui parlerait de la visite impromptue de sa « chère » mère cette après-midi. Quand il saurait qu’elle avait l’intention d’arriver avec arme et bagages dès la semaine prochaine pour rester dans leur chambre d’ami, et ce, pour une période indéterminée, ça lui ferait un choc ! Sa toundra et sa steppe, il n’était pas prêt d’y mettre les pieds !
Par contre elle, elle ne se disait pas non à un petit voyage en solitaire…