Maman, regarde !

Maman, regarde ! Un bébé rosier !

Jeanne et l’homme baissèrent les yeux vers la petite branche que Julia montrait du doigt. Une branche rabougrie, un peu grise, aux épines molles, qui semblait se tordre, agonisante sur le sol. Une branche de rien du tout, petit bout d’arbre mort, sans vie ou presque, qu’un passant machinal aurait écrasé sans le voir, sous une semelle indifférente. Trois feuilles, quatre peut-être, juste pour dire qu’un peu de sève avait coulé là. Pas un cri, une plainte, juste, inaudible, petit soupir minuscule dans la poussière et l’animation du marché. Quelques racines, comme des doigts malingres, cherchant la vie et l’eau, l’air, ou le souffle d’une âme, s’accrochaient encore à ces petits morceaux de terre, grains de cendre secs, exsangues.

Maman, il faut le sauver !

Julia s’était accroupie, recueillant avec une douceur d’infirmière le pauvre bout de bois desséché. Le soleil donnait à ces cheveux comme une lueur d’auréole. Emue par la pureté fraîche, transfigurée par le geste de sa fille, Jeanne s’arrêta, posant les pots par terre, et s’agenouilla à son tour à côté de sa fille, regardant ce morceau de branche avec étonnement, surprise que l’on puisse penser que cette petite chose là fusse réellement un rosier.

L’homme, s’étant arrêté à son tour, hochait la tête avec patience, ankylosé par le poids des pots remplis de terre qui pendaient à ses bras.

Je t’en donnerai, des rosiers, tu sais, et des bien plus beaux que celui-là.

Non, disait Julia en se relevant. Non, celui-ci m’a appelé, quand je suis passé près de lui. Il m’a appelé pour que je le sauve. Et je le sauverai.