Je vous écris parce que je suis à bout. Le médecin vient juste de sortir de chez moi ; il a diagnostiqué une dépression sévère. Déprimé ? Moi ? Je n’arrivais pas à le croire.
Depuis que vous vous êtes installés ici, dans cette maison mitoyenne de la mienne, ma vie a changé : deux années sombres, pour ne pas dire noires. Dès que vous êtes arrivés – et j’ai maudit ce jour - je vous ai surnommé : Monsieur, Madame et l’Adolescent hirsute !
Comment ai-je supporté que Monsieur sorte les poubelles le mardi, le jeudi et le samedi matin, à grand renfort de couvercles et de porte claqués ; que Monsieur, encore lui, m’impose son bricolage le samedi, aux aurores, avec un choix de scies, de perceuses et de visseuses toutes aussi sonores les unes que les autres ; que Monsieur, toujours lui, tonde longuement et méticuleusement sa pelouse à 14 heures, le dimanche, alors que le règlement stipule que la tonte ne peut commencer qu’à 16 heures.
Comment ne pas déprimer quand Madame interpelle son fils du rez-de-chaussée alors qu’il est au deuxième et joue de la guitare avec des « bouchons » dans les oreilles, quand Madame, encore elle, apostrophe Monsieur du jardin pour un oui ou pour un non, en « gueulant », HERVE !!!, de sa voix suraiguë.
Comment survivre quand l’Adolescent hirsute qui ne peut être que votre fils, fait hurler sa guitare électrique avec une constance remarquable, à des heures où les gens respectables se mettent au lit ? Jimmy Hendrix n’a-il jamais de devoirs à faire ? Ne connaît-il pas l’usage du livre ? Ignore-t-il le respect d’autrui ?
Et pour finir, comment dormir, quand le couple que vous formez – et que vous n’auriez jamais dû former, croyez-en l’avis d’un voisin éclairé par deux ans de vie presque commune avec vous – se traite de noms d’oiseaux pour un oui ou pour un non, en ayant soin de rester au plus près de la cloison qui sépare nos deux chambres afin que j’entende tout en stéréophonie ?
Je pense que vous pourrez comprendre, mes « chers » voisins, que l’homme que je suis, solitaire et discret, ne vous supporte plus, au point que ce « bonjour », que je me forçais à vous adresser mécaniquement chaque jour, me soit devenu odieux et ne puisse plus passer la barrière de mes lèvres. Me croiriez-vous si je vous disais que récemment, des idées de meurtre m’ont même traversé l’esprit ?
J’ai préféré vous écrire - vous comprendrez aisément que la parole m’aurait desservi - pour vous supplier de changer vos habitudes afin d’éviter un « carnage » qui ne ferait que troubler le voisinage.
Votre voisin déprimé.
PS : texte inspiré par ce site qui vous permet de trouver des voisins à la hauteur de vos espérances… mais aux Etats Unis.